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Critique de Presence


Ce tome contient les épisodes 17 à 24 et 23.1, initialement parus en 2013/2014, écrits par Jeff Lemire, dessinés et encrés par Andrea Sorrentino, avec une mise en couleurs de Sorrentino (épisode 17), puis de Marcelo Maiolo (épisodes 18 à 24 et 23.1). Il est possible de commencer la série par ce tome, sans avoir lu les précédents, Lemire et Sorrentino reprenant la série à partir de ces épisodes.

Oliver Queen avance en titubant dans le désert de l'Arizona, sous un soleil de plomb. 3 semaines auparavant, il apprenait que monsieur Emerson, le gérant des entreprises Queen, avait tout vendu et que lui Oliver Queen se retrouvait sans le sou. Alors qu'il se trouvait dans son bureau, Emerson est assassiné par une flèche et Queen est accusé à tort du meurtre. Alors qu'il fuit dans la rue, il est agressé par Komodo (l'archer qui a tué Emerson) et il ne doit son salut qu'à l'intervention de Magus (un individu sans yeux). Queen va aller trouver Henry Fyff (un employé qu'il avait licencié lui-même) pour qu'il lui apporte son soutien logistique (armes et accessoires technologiques) afin de délivrer Naomi Singh et Jax, les 2 employés qui assuraient sa logistique à Q-Core (une filiale de Queen Industries) qui ont été enlevés par Komodo et sa fille. Par la suite il va se retrouver confronté au comte Vertigo (Werner Zytle) et il va croiser le chemin de Shado.

Dans le cadre du redémarrage à zéro de l'univers partagé DC en 2011, les lecteurs découvrent plusieurs séries déconcertantes dont "I, vampire" (en 3 tomes, à commencer par Tainted love en VO). Outre un scénario gothique sortant de l'ordinaire, cette série bénéficie de dessins tout aussi gothiques réalisés par Andrea Sorrentino. C'est donc fort logiquement que la curiosité amène à le suivre sur son travail suivant : Green Arrow.

Sorrentino dessine dans une veine réaliste, avec des ombres portées légèrement renforcées (sans qu'elles ne mangent tout le dessin, ou les détails). Dès la première page, le lecteur est vraiment dans cette zone sablonneuse désertique à souffrir sous le soleil aux côtés d'Oliver Queen. Dès la page d'après, il se retrouve dans un bureau, dans une tour, Sorrentino pèse chaque détail pour des compositions immédiatement assimilées par l'oeil, sans paraître creuse. L'encrage un peu soutenu confère une ambiance réaliste porteuse d'une forte tension dramatique. Sorrentino représente un visage portant les marques de l'âge pour Emerson, et un visage plus jeune, pour Oliver Queen. de la même manière les gestes de Queen sont amples et vifs en cohérence avec son âge, alors que ceux d'Emerson sont posés et plus retenus.

En bon artiste, Sorrentino conçoit sa propre interprétation du costume de Green Arrow, en insistant sur une approche (relativement) réaliste. Certes il a conservé le loup vert ridicule qui ne dissimule en rien l'identité civile du héros. Mais pour le reste, il a choisi une teinte vert foncé, une nuance entre le vert bouteille et le vert sapin, qui renforce la crédibilité du personnage, et il a conservé la capuche. Il compose des mises en scène qui transcrivent la tension et la rapidité des duels à l'arc, sans trace de ridicule. Pour éviter la répétition visuelle, il arrive même à espacer suffisamment les cases dans lesquelles Green Arrow ou Komodo se tiennent l'arc bandé prêts à décocher leur flèche, tout en parlant tant et plus. Il se montre également inventif et pertinent dans sa manière de représenter les effets du pouvoir de Count Vertigo.

Au fil des épisodes, le lecteur prend conscience que la crédibilité de cette histoire tient pour beaucoup dans l'approche graphique des décors et arrières plans. Comme Alex Maleev avant lui, Sorrentino intègre régulièrement des représentations quasi photographiques des environnements dans lesquels les personnages évolués. Mariés à l'encrage un peu soutenu, cette approche permet de masquer les aspects les plus tirés par les cheveux. Les duels à l'arc deviennent crédibles, et les archers apparaissent beaucoup plus dangereux que les policiers avec leurs armes à feu.

Jeff Lemire a décidé de dépouiller totalement son héros (en particulier de sa fortune et de ses facilités logistiques) pour lui en faire baver. Il commence par allécher le lecteur avec Oliver Queen proche du malaise dans le désert, puis il remonte le temps pour expliquer comment il en est arrivé là. Il intègre un nouvel ennemi (Komodo), il en dépoussière un autre avec brio (Count Vertigo), et il incorpore Magus, le personnage qui sait tout mais qui ne dispense son savoir que par bribe à chaque fois qu'il faut relancer l'intrigue. Pour le lecteur familier du personnage, il est visible que Lemire va piocher une partie de son inspiration dans les origines du personnage concoctées par Mike Grell à la fin des années 1980, voir The longbow hunters (1987, en VO), puis Hunters moon (en VO).

Jeff Lemire se montre assez habile en maintenant un rythme soutenu à sa narration qui compense les quelques faiblesses du scénario. Au bout du troisième affrontement entre Green Arrow et Komodo, le lecteur a bien compris que Lemire introduira des renversements de situation comme bon lui chante pour aboutir au résultat qu'il s'est fixé. La page d'avant, Magus certifie à Oliver Queen qu'il n'a aucune chance de battre Komodo, la page d'après Queen cueille Komodo par surprise comme le premier novice venu. Affrontement suivant, Komodo fiche 5 flèches dans le corps de Green Arrow qui gambade comme si de rien n'était la page suivante. Puis Green Arrow se jette dans une grosse conduite avec une flèche qui dépasse à angle droit de sa jambe, sans qu'elle ne se brise dans les parois, pourtant étroite. Au bout de ces 8 épisodes, le lecteur est impressionné par le volume d'informations que Lemire a réussi à faire passer, mais aussi par son aptitude à faire entretenir artificiellement le suspense sur Magus et sur les Outsiders, sans progression notable sur ces mystérieux individus d'un épisode à l'autre. Par contre, Lemire a l'art et la manière d'aller piocher dans le catalogue de personnages de l'univers DC pour y choisir des patronymes mystérieux, et les dépoussiérer dans le cadre de la remise à zéro "New 52", comme Shado ou Richard Dragon.

Par rapport à un comics de superhéros traditionnel, Jeff Lemire et Andrea Sorrentino proposent un thriller haletant qui rend crédible Oliver Queen, en jeune superhéros maniant l'arc et la flèche avec habilité. C'est déjà un bel exploit que d'arriver à crédibiliser un Robin des Bois urbain, avec un loup inutile. Par comparaison avec le lot de la production mensuelle, cette histoire mérite ses 5 étoiles. Néanmoins il subsiste quelques maladresses de scénario et de dessins qui font redescendre le niveau d'immersion. Décidément, entre cette série et The Arrow - Saison 1, 2013/2014 est la saison Green Arrow.
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