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Critique de LeChatduLivre


Lorsque j'ai vu passer le titre de cet ouvrage et son résumé, j'ai été prise d'une bouffée de colère. Alors que la problématique des violences gynécologiques et obstétricales est largement discutée dans les médias et sur les réseaux sociaux, mettant en évidence de graves dysfonctionnements du corps médical dans sa posture et ses pratiques, comment peut-on sortir un livre dans lequel une gynécologue prend la parole ?

Pourquoi ai-je lu ce livre alors ? Parce que j'aime vérifier si j'ai tort ou raison. Je vous spoile un peu : j'ai bien fait de le lire. Car ce livre contient les histoires de femmes, des histoires banales, des histoires exceptionnelles, des histoires choquantes, drôles, tristes, et ce sont surtout ces femmes qui sont mises en avant. Presque 200 patientes, passées au moins une fois dans le cabinet de Pauline Lempert, l'autrice, pour des motifs variés, souvent un besoin de contraception, mais pas seulement. L'essentiel de ce livre consiste en un récit d'un format particulier, sans un vocabulaire très simple et accessible : le cas de chaque femme est présenté distinctement des autres, à chaque nouvelle histoire on change de page, ce qui met en évidence l'individualité de ces femmes. Elles ne sont plus noyées dans la masse de ces patientes qui franchissent la porte du cabinet chaque jour, mais disposent d'un espace à elle. Elles nous sont présentées par leur prénom, leur âge bien souvent, ainsi que quelques éléments qui permettent de la situer dans son parcours de vie, comme son nombre d'enfants, sa position au regard de l'emploi… Puis vient le récit de son histoire, parfois très bref, avec souvent des citations d'extraits de conversation, ce qui rend ces récits de vie très vivants.

Le regard de la gynécologue s'observe en deux temps.
D'abord, on voit la gynécologue dans son cabinet, qui reçoit ces femmes l'une après l'autre, parfois ensemble comme lorsqu'une mère accompagne sa fille. Et on la sent soucieuse de faire son travail au mieux. Ce travail, il est technique : on la lit mener des examens, prendre une tension, réaliser un frottis, une palpation des seins. Il est aussi humain : la gynécologue remplit des ordonnances, rédige des comptes-rendus, passe des coups de fils, mais surtout, elle parle, elle échange, elle questionne la femme qui se trouve en face d'elle. On ressent le souci d'apporter une réponse personnalisée, sur-mesure. Et finalement, c'est même l'essentiel de son métier, l'écoute d'abord, la parole ensuite. Dans ces récits, l'autrice montre une grande impartialité : là où les débats actuels montrent une tendance certaine d'une partie du corps médical à choisir à la place des femmes, on la voit en retrait, presque opératrice de l'ombre, au service des femmes et des choix que ces dernières font, sans leur imposer une quelconque pression. le seul moment où l'autrice assume avoir tenté de convaincre une femme, c'est dans le cas d'Amélia (p. 106), et en lisant la trajectoire de cette femme, je comprends la démarche de l'autrice. Elle se montre par ailleurs sans complaisance avec ce corps médical pétri de patriarcat : à plusieurs reprises on la voit pester contre des collègues, des enseignants, dont l'éthique est plus que discutable.

Le second point de regard de la gynécologue apparaît ensuite. Lorsqu'elle commente l'histoire qu'elle relate. On voit ici apparaître ses convictions, sur la vie, sur son métier, sur la société. Mais au regard de son récit, il me semble que ces réflexions intérieures sont restées de l'ordre du privé et n'ont pas été exprimées en consultation devant ses patientes, ce qui est tout à son honneur et souligne son souci du droit des femmes à disposer de leur corps. Dans le contexte actuel c'est rafraîchissant.

On sent aussi une certaine humilité dans son discours, vis-à-vis de son savoir – et son corollaire – son ignorance. Là encore, on lit tant de médecins pontifiants, sûrs d'eux, toutes disciplines confondues, que cette posture est la bienvenue. J'ai relevé une approximation concernant le DIU et son effet abortif, qui mériterait d'être clarifiée par une note de bas de page sur le fonctionnement des DIU (p. 179).

Finalement, c'est le quotidien des femmes qui nous est ici relaté, des femmes banales, françaises, étrangères, âgées, jeunes, mariées, célibataires, mères ou nullipares. Ce livre nous dresse un portrait de la diversité de la société féminine et de ses préoccupations, et en cela, il mérite d'être lu, très largement.
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