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Critique de le_Bison


En l'an de grâce mille huit cent trente-huit, il existe un pays sans foi ni loi, où la loi n'est pas dictée par des autorités éloignées, où la foi se décline dans une taverne à coup de godets de rhum. Cette petite enclave, qui n'appartient à personne encore moins au Canada ni au New-Hampshire - qui d'ailleurs se livreront une petite guerre, est la République de l'Indian Stream. Quelques centaines d'habitants, mélanges cosmopolites de fermiers usés, de trappeurs et d'hors-la-loi, des contrebandiers et assassins, y vivent presque paisiblement. Blood, au passé caché donc forcément douteux, prend sa charrue, l'âme commerçante l'anime. A son bord, des barils de poudre, des tonneaux d'un excellent rhum et Sally, une gamine qu'il a gagné en jouant aux cartes dans un bordel, presque un peu à contrecoeur l'idée de se trimbaler cette nana qu'il mettra vite au turbin, dans son arrière-salle, le commerce avant tout.

« Parait qu'on peut repartir de zéro ici, à ce qu'on m'a dit. »

Se dire qu'il y a des lieux perdus où se réunissent les âmes perdus, et recommencer une toute nouvelle vie, presque vierge de passé si ce n'est la conscience. Blood, juste Blood dans cette vie, ouvre une taverne, fait ses petits arrangements, Sally faisant les siens auprès de la « gente masculine » en manque de putains. Il remplit les godets métalliques, la caisse se remplit, les clés de la caisse accrochées à son poitrail, se prépare pour l'hiver, quelques provisions, l'hiver, c'est quand il y a trop de neige pour avancer, mais malgré les précautions d'usage et de distance, le sens de l'esquive et de l'attaque, tout ne se passe forcément bien, surtout quand une lutte de pouvoir s'installe.

Remettre les compteurs à zéro.
Laisser tomber la poussière de sa vie.

A la limite je te dirai peu importe le châtiment ou la rédemption, le passé est dans le passé – phrase trouvée après un verre de rhum -, et l'avenir est toujours incertain – là, je devais être au second verre de rhum. Seul compte le présent, et le silence du présent. Un brouhaha dans la taverne, mais dès que l'on sort respirer un air frais qui vous griffe les poumons, le silence des lieux t'enveloppe, te porte, t'emporte dans la mélancolie d'une putain de vie. Et malgré la violence des hommes et des âmes qui se terrent dans ce territoire à l'écart des lois et des sheriffs, le paysage en devient presque contemplatif. J'ai envie d'une vache pour y boire du lait frais, un petit coin de jardin pour faire pousser quelques plantes aromatiques et autres légumes pour accompagner le steak de caribou ou le pavé de grizzli. Et aussi d'un godet de rhum. D'ailleurs... de mémoire, il y a ce vieil adage indien, ne dit-il pas que la route du Rhum mène à l'Indian Stream - là, je crois que j'ai fini le tonneau.

La lune illumine de son aura les collines alentours, des coups de pistolets viennent réveiller brusquement le silence, un coup de canon fait entrer la nuit dans une torpeur insondable comme les âmes perdues de ce coin-là, avant que mon regard absorbé par la lune bleue ne replonge dans un silence méditatif, et que mon corps nu plonge dans cette rivière de rhum.

Et si la République de l'Indian Stream avait été fondée autour de quelques godets de rhum et de silence... le principe même de la vie, du moins la mienne. Un courant d'eau-de-vie qui coule dans les veines comme les méandres d'une rivière indienne.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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