Hadour sourit.
— Je n’écris pas de romans, mais des ouvrages consacrés à des affaires
judiciaires plus ou moins célèbres. Et plus ou moins glauques, aussi…
— Ah, je vois ! fit l’élu. Alors, vous êtes là pour le diable des Pyrénées, je
suppose ?
— Vous connaissez l’histoire ?
— Qui ne la connaît pas, par ici ? sourit Hernandez. C’est la légende du
coin ! Que voulez-vous, le Gévaudan a sa bête, et nous, nous avons notre
diable… Vous savez, ici, c’est un petit monde. Des descendants des familles
de ces pauvres victimes, vous en trouverez encore pas mal dans la vallée.Ça vous paraît peut-être une éternité, mais c’était il y a cent ans seulement.
Mon grand-père me parlait souvent de cette affaire. Ces gamins assassinés,
leurs cœurs arrachés, ces cailloux blancs… Quand on y pense, ça fait froid
dans le dos…
Un vent glacial s’engouffra dans le lieu de culte. La
bougie que le vieil Henri avait disposée sur sa paillasse de fortune pour
profiter de son inespéré festin s’éteignit dans un souffle. L’église fut alorsplongée dans les ténèbres les plus totales. Le vieillard en fut soudainement
désorienté.
Il y avait quelqu’un d’autre. Henri n’était plus seul dans la vieille bâtisse
battue par les vents.
— Monsieur le curé ? bredouilla-t-il en se relevant. C’est… C’est vous ?
Un cri inhumain lui répondit.
La voix d’un ange brisé, qui s’écrasa contre les murs de pierre avant de
s’éteindre dans le néant.
À tâtons, le vieil Henri parvint à remettre la main sur sa bougie graisseuse.
Il craqua une allumette et rapprocha la minuscule flamme de la mèche.
Le spectacle qu’il découvrit alors lui glaça le sang.
Le corps d’un gamin était étendu à l’entrée de l’église, sur le sol de pierre.
Allongé, le torse nu, lacéré de toutes parts. Un ange baignant dans un sang
rouge vif.