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Critique de Dandine


C'est vieux comme le monde. Un prejuge? Une excuse? Une blague? En tous cas ca a la vie longue. "Cherchez la femme". Qui n'a entendu cela? Qui ne l'a jamais dit, arborant sournoisement un sourire facetieux? Qui ne l'a jamais lu? Nombreux sont les livres qui l'utilisent ou meme ourdissent toute leur trame autour. A commencer par la Bible, ou les manigances d'Eve et du serpent qui lui siffle a l'oreille font choir Adam et lesent ainsi toute sa descendance, jusqu'a nous. A continuer par une piece qui brule les planches depuis des siecles, Macbeth, ou c'est la femme du heros qui le pousse en definitive au crime. Tellement celebre, cette piece, tellement renommee, cette femme, cette Lady Macbeth, que le russe Leskov en emprunte le nom pour titrer cette nouvelle.

La Lady Macbeth de Mtsensk, de son vrai nom Katerina Lvovna, differe beaucoup de l'ecossaise. Elle n'incite pas a tuer par ambition mais par amour. Et elle ne fait pas qu'inciter, elle prend part aux crimes, elle tue en compagnie de son amant. Elle se suicidera elle aussi a la fin, mais par depit de se voir delaissee, abandonnee et moquee par son amant et non pas bouffee de remords; qui plus est, son suicide sera aussi une vengeance, car elle entrainera avec elle dans la mort celle qui lui a ravi son amoureux. Et ce suicide prendra place pendant son periple a pied vers la Siberie, car elle a ete arretee, jugee et condamnee. Pas seulement par sa conscience ou par sa folie.

Mais laissons de cote Shakespeare et sa brumeuse Ecosse. Laissons ces comparaisons. Leskov nous parle de la Russie. Des conditions de vie des marchands des petites bourgades et de ceux qui les servent. De leurs differentes moeurs. De la justice expeditive des hauts fonctionnaires du Tsar et des moyens simples de soudoyer les petits, depuis un kopeck, une grivna (= 10 kopecks), jusqu'a plusieurs tchertverki (= 25 kopecks). Des marches forcees de condamnes jusqu'en Siberie profonde. Et des emportenents amoureux a la russe. Ah! L'ame russe! Je sais, c'est un poncif qui ne correspond surement a rien, mais tout de meme, ah! l'ame russe! Si ce n'est qu'un poncif, Leskov le manie si bien... Et si c'est plus qu'un poncif, Leskov le travaille admirablement, par courtes phrases, par petites touches rouges et noires, pour les gerber en une nouvelle tres aboutie. Ou une passion demesuree fait depasser toutes les bornes, restant aveugle et sourde aux mandements moraux, aux lois de la societe, au qu'en-dira-t-on. Ce n'est pas un hasard si le grand Dimitri Chostakovitch s'en est servi pour en faire un opera (il est vrai que le Macbeth shakespearien etait deja pris par Verdi).

L'ame russe? Leskov a modestement, et je crois bien amplement, contribue au peu ou au prou que ces mots voudraient traduire. Et il reste, apres plus de cent ans, agreable a lire. Tres. Malgre le sujet. Ou grace a lui..
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