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Critique de Nastie92


J'ai ce livre depuis de nombreuses années sur mes étagères, mais j'en repoussais sans arrêt la lecture.
J'ai déjà lu de nombreux témoignages sur les camps et je pensais bêtement que celui-ci ne serait qu'un de plus. Un parmi d'autres. Et je n'avais pas forcément envie de me replonger dans toutes ces horreurs.
Je pensais bêtement.
Je pensais très bêtement.
Parce que ce livre n'est pas comme les autres, ce n'est pas un simple ouvrage de plus sur ce sujet.
Si c'est un homme est LE livre. Essentiel, incontournable. le témoignage le plus fort parmi ceux que j'ai lus, le plus intellectuel aussi.
Primo Levi le publia très peu de temps après la fin de la guerre, en 1947. La lucidité dont il fait preuve, avec si peu de recul, force le respect.
Aucune haine ni incitation à la haine dans ce récit. Aucun désir de vengeance ou de revanche. Seulement la volonté de témoigner, de mettre des mots sur l'indicible.
Primo Levi ne cherche pas à susciter l'indignation chez le lecteur, il ne cherche pas à l'apitoyer. Il raconte sobrement ce qu'il a vécu et ce qu'il a vu. C'est tout.
C'est tout, mais c'est beaucoup.
Il raconte sobrement et par cette sobriété parvient à atteindre le coeur et la raison du lecteur bien mieux que ne le ferait un texte grandiloquent, comme dans ce passage qui exprime ce que les prisonniers ont pu ressentir un jour où ils ont réussi à se procurer un petit supplément de soupe :
"Au coucher du soleil, la sirène du Feierabend retentit, annonçant la fin du travail ; et comme nous sommes tous rassasiés − pour quelques heures du moins −, personne ne se dispute, nous nous sentons tous dans d'excellentes dispositions, le Kapo lui-même hésite à nous frapper, et nous sommes alors capables de penser à nos mères et à nos femmes, ce qui d'ordinaire ne nous arrive jamais. Pendant quelques heures, nous pouvons être malheureux à la manière des hommes libres."
Un simple petit supplément de soupe...
Ces quelques lignes m'ont littéralement émue aux larmes, surtout la dernière phrase. Ces simples mots en disent tant sur les souffrances quotidiennes, sur la monstruosité des camps, sur la déshumanisation subie.
Nul besoin de décrire des atrocités pour nous les faire comprendre ; le contraste entre les mots sobres de l'auteur et ce que l'on ressent à la lecture est saisissant.
Interrogé par un lycéen surpris par l'absence de haine dans son livre, Primo Levi répondit par ces mots : "Je crois dans la raison et dans la discussion comme instruments suprêmes de progrès, et le désir de justice l'emporte en moi sur la haine. C'est bien pourquoi, lorsque j'ai écrit ce livre, j'ai délibérément recouru au langage sobre et posé du témoin plutôt qu'au pathétique de la victime ou à la véhémence du vengeur : je pensais que mes paroles seraient d'autant plus crédibles qu'elles apparaîtraient plus objectives et dépassionnées ; c'est dans ces conditions seulement qu'un témoin appelé à déposer en justice remplit sa mission, qui est de préparer le terrain aux juges. Et les juges, c'est vous."
Monsieur Levi, vous avez parfaitement rempli votre mission. Je sors bouleversée de la lecture de votre témoignage, troublée par tant de lucidité, admirative de votre intelligence et profondément émue par votre humanité.
Je crois que cette lecture m'a rendue un peu meilleure, un peu plus humaine, un peu plus capable d'empathie ; elle a laissé en moi une trace indélébile.
Si c'est un homme est un livre essentiel que chacun devrait lire, et s'il ne vous touche pas au plus profond, c'est que vous ne faites pas partie de la race humaine.
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