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Critique de LesMotsPourRever


Enfermé dans le cabinet du Docteur Jekyll depuis des jours, Hyde n'a qu'une seule hantise : que Poole découvre la supercherie et qu'il s'en prenne à lui. En attendant l'inévitable, Hyde se remémore ces derniers mois, cette liberté qu'il a touché du bout des doigts et en laquelle il a cru, avant que tout ne bascule et le conduise entre ces murs dont il sait qu'il ne ressortira pas vivant. Hyde nous délivre sa version des faits, version qui est bien éloignée de celle du docteur Jekyll.

Si j'ai été attirée par ce livre, c'est tout simplement parce que j'ai toujours été fascinée par l'histoire du Docteur Jekyll et de Mister Hyde. Souvent adaptée, parfois transposée, toujours captivante. Je n'allais donc certainement pas laisser passer l'occasion d'avoir enfin le point de vue de Hyde ! Merci à NetGalley et à Fayard pour ce partenariat.

Cette version proposée par Daniel Levine est bien plus basée sur la psychologie que l'oeuvre originale. Ici, Hyde ne déteste absolument pas Jekyll. Ici, Hyde n'est d'ailleurs absolument pas la représentation du côté sombre de Jekyll. Levine nous propose un concept tout à fait intéressant : et si Jekyll n'était pas aussi bien pensant que nous l'a décrit R.L. Stevenson ? Et si tout ça n'était qu'affaire de mensonges, de tromperie et de manipulation ? Et s'il y avait en réalité un troisième homme dont ni Jekyll ni Hyde n'a conscience ? Hyde se bat pour se faire une place dans ce monde alors qu'il n'est même pas censé exister, mais surtout il se bat pour savoir ce que Jekyll attend de lui. Car si Jekyll a accès à toutes les pensées de Hyde, l'inverse est loin d'être vrai. Hyde s'achète une maison, des vêtements, se trouve des habitudes, tente de se créer une existence en espérant faire ce que Jekyll attend de lui mais sans jamais être sûr de rien. C'est le fait le plus surprenant de ce roman. Ici, Hyde n'a rien de l'homme sans coeur et sans remord auquel nous a présenté R.L. Stevenson autrefois. J'ai été surprise de voir à quel point Hyde est, au fond, un homme ordinaire. du moins jusqu'à ce que ne commencent ces actes tantôt immoraux, tantôt inavouables. Mais qui les accomplit vraiment ? Jekyll ou Hyde ? Parce que s'il s'agit bien de l'apparence de Hyde, il y a cette horrible sensation de ne plus avoir le contrôle de son corps, d'être relégué au second plan. Quand il n'a pas tout simplement des absences, perdant des heures dont il n'a aucun souvenir. le jeu psychologique s'arrêtera malheureusement là parce qu'il est plus qu'évident que Hyde n'est pas aux commandes. Plutôt qu'une dissociation de son âme en deux (un côté bon et un côté mauvais), Hyde devient alors le moyen parfait pour Jekyll d'accomplir certains vices, certaines pulsions sans avoir à en subir le regard de la société ou le poids de la culpabilité. Après tout ce n'est pas lui, c'est Hyde. A moins qu'il ne s'agisse d'une troisième personnalité dont aucun des deux n'a conscience ? Une personnalité bien plus torturée, bien plus « dérangée » psychologiquement ?

Il y avait donc un énorme potentiel. J'étais prête à remettre en cause la version de Stevenson en un battement de coeur. le problème est que cette histoire est très, très, très longue. Les cent premières pages se concentrent sur l'entrée de Hyde dans le monde et comme il n'est pas la personnalité névrosée à laquelle on s'attend, son existence est particulièrement lisse et, oserais-je l'écrire, franchement ennuyeuse. L'auteur se perd en détails dont je n'ai que faire et j'ai plus d'une fois sauté quelques paragraphes sans jamais perdre le fil de l'histoire. Il est comme un enfant découvrant le monde donc oui il est attachant, mais l'histoire en elle-même n'avance pas et cela devient vite frustrant. Sans oublier ce mystère qui n'en est pas vraiment un. Après tout si Hyde est le « gentil » de l'histoire, il ne reste pas vraiment de mystère concernant l'identité du « méchant ». J'ai failli abandonner cette lecture à plusieurs reprises, je l'avoue. Certes l'écriture est belle, mais cela se fait au détriment de l'intrigue. Sans oublier la forme choisie par l'auteur. Je ne comprends pas cette envie de fusionner les dialogues avec la narration. Il n'y a aucune démarcation, si ce n'est les paroles de Hyde et Jekyll qui sont en italiques. le reste n'est qu'un monstrueux bloc qui donne une impression de lourdeur, d'oppression, alors que le récit n'avait déjà franchement pas besoin de ça.

Paradoxalement il y a des personnages secondaires très intéressants qui disparaissent en un claquement de doigts et dont on ne saura plus rien, ou qui n'ont pas assez voix au chapitre. Je pense avant tout à Jeannie. J'avais peu d'intérêt pour elle au début mais elle parvient à devenir un élément central dans la vie de Hyde. Et pourtant il s'en débarrasse sans même une arrière pensée et le lecteur se retrouve à se demander ce qu'il advient d'elle, si elle s'en sort enfin, si elle a eu son bébé (rien n'est dit clairement mais j'ai choisi de penser, à travers sa gestuelle, qu'elle est effectivement enceinte). On sait ce qu'il advient de Georgina mais rien sur Jeannie. Alors que la seconde était bien plus attachante que la première. L'autre personnage secondaire (voire même tertiaire) qui m'a particulièrement intéressée est Émile Verlaine. Lorsqu'on comprend qu'il est doté de trouble de la personnalité multiple, on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec Jekyll. Émile Verlaine est tout simplement fascinant mais pas assez exploité à mon goût.

Levine connait bien l'oeuvre originale, on ne peut pas le nier. Il a repris chaque élément fourni par Stevenson, que ce soit les personnages principaux ou le déroulement des évènements, mais ça ne suffit pas pour faire une bonne adaptation. J'ai été déçue de ne pas en apprendre plus sur le Londres de cette époque. D'accord ce n'est pas le but de ce roman, mais rien n'empêchait d'y inclure quelques éléments qui, pour le coup, auraient été sans aucun doute possible bien plus intéressants que la vie morne et monotone de Hyde. Sans oublier que là où Stevenson joue sur les sous-entendus, Levine choisit d'être le plus explicite possible. Je préférais ne pas savoir quels vices avait Jekyll, je trouvais l'ambiance du récit bien plus sombre de cette façon. On a plus facilement peur de ce qu'on ne voit pas, de ce qu'on ne sait pas. Ici on éprouve plus facilement du dégoût que de la peur. En revanche, Levine explore les racines de l'instabilité mentale de Jekyll (ses rapports avec son père, l'échec d'une romance, sa responsabilité dans la perte d'un patient) et c'est un aspect du récit qui m'a vraiment plu. En fait, bien qu'il se concentre sur Hyde, Daniel Levine m'a donné envie d'en apprendre encore plus sur sa version du docteur Jekyll.

Hyde ne fut donc pas vraiment une bonne lecture pour moi. Je ne peux pas me résoudre à le classer dans les policier ou les thriller puisqu'il ne m'a pas fait peur et surtout étant donné qu'il n'y a pas de véritable mystère. Je suis la première à regretter de ne pas avoir aimé cette lecture mais les longueurs, la lenteur du récit et la personnalité fade de Hyde auront eu raison de mon intérêt pour cette histoire.
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