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Critique de Tempsdelecture


Comme bien souvent, les meilleures lectures ne se font pas là où on les attend et il en va de même pour ce roman. Même si préfacé par Thomas Mann, il semble bien qu'il y ait peu de chance que ce livre ait été médiocre, même insipide. Tellement dommage que Ludwig Lewisohn soit un auteur si confidentiel, il frappe pourtant si juste et si fort avec cette fiction. Il s'agit donc d'un auteur américain de confession juive et d'origine allemande. Il vise d'ailleurs tellement juste en évoquant ce couple et leur cohabitation que son livre a été longtemps interdit aux États-Unis, ce n'est que fin des années quarante – en 1947 – qu'il sera enfin publié, et encore, en version censurée.
Un jeune néophyte, une mère de famille aguerrie: comment une telle rencontre sentimentale a-t-elle pu avoir lieu? L'inexpérience et la naïveté d'un Herbert de vingt-deux ans reste justement la faiblesse qui a pu lui faire sous-estimer la femme avec laquelle il avait débuté une relation, somme toute, sans réelle importance pour lui. Et c'est bien là le noeud du problème: la domination malsaine et perverse qu'exerce Anne sur le jeune homme à travers ses mensonges. Parce qu'il n'est vraiment jamais question d'amour, cela n'est finalement qu'une énième ruse de la retorse ‘Anne pour retenir Herbert auprès d'elle. Si vous avez aimé le Mepris d'Alberto Moravia , ce roman-là aborde là une toute autre dimension de l'enfer conjugal, je dirais qu'il atteint des sommets que l'on n'oserait même pas imaginer.
Anne et Herbert forment, on l'aura compris, un couple totalement dissonant, la bonté naturelle de l'un est totalement incompatible avec la malice et la méchanceté de l'autre, qui n'a de cesse de se victimiser tout au long de leur vie ensemble. C'est d'ailleurs sur ce point que l'importance des pages sur le passé totalement chaotique d'Anne Crump se fait sentir, comme s'il expliquait, ou plutôt annonçait, la complexité de la personnalité de cette femme déséquilibrée. En outre, on assiste lentement à la lente descente aux enfers d'Herbert, victime dans tous les sens du terme de son épouse égoïste et maltraitante qui n'a d'autre but que de préserver sa source de revenus. Lewisohn a habilement décrit l'emprise psychologique qu'exerce Anne sur l'homme un peu faible qu'elle a su prendre dans ses filets, la tension psychologique va crescendo, ponctuée par les attaques de cette mante religieuse, sous lesquelles Herbert va se voir petit à petit complètement déposséder de sa vie, de ses forces vitales. Irrémédiablement. Mon esprit a été mis à rude épreuve par les méfaits d'Anne, la manipulation pernicieuse qu'elle exerce sur son mari, souffre-douleur du foyer, qui puise jusqu'au dernier souffle de patiente, d'endurance et de courage. C'est vraiment peu de dire que c'est un des personnages les plus détestables que j'ai pu rencontrer lors de ma vie de lectrice. On se fait littéralement happé et dévoré, un peu comme pour Herbert, par la violence, morale et physique, de sa personne, de ce rapport pathologique qu'elle entretient non seulement avec l'argent mais aussi avec Herbert, qu'elle déshumanise et chosifie en ne le considérant comme sa possession, comme un vulgaire gagne-pain. Femme malade qui exerce la toute-puissance de son mal en détruisant tout ce qui se trouve autour du jeune homme mais également autour d'elle puisque ses enfants sont aussi et à la fois victimes et instruments de ses manipulations. J'avoue que les rares passages où certains protagonistes se permettent de s'opposer fermement à elle sont particulièrement délectables: Lewisohn a installé une tension romanesque de telle sorte à ce qu'il s'avère très difficile, voire impossible, pour le lecteur de ne pas s'impliquer émotionnellement dans le sort d'Herbert Crump. Nous, lectrice, lecteur, souffrons avec Mr Crump, sommes les jouets des mots de l'auteur autant qu'Herbert l'ait d'Anne.

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