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Critique de saigneurdeguerre


Comment vous résumer ce livre ? Très difficile, tout est important. Une seule solution : lisez-le !

Ce n'est pas un roman. Ce n'est pas une biographie. Cela ressemble à un essai… Non ! A un dictionnaire… Ou plutôt à une encyclopédie… Mais une encyclopédie avec un témoignage et beaucoup d'idées politiques pour que des changements s'opèrent dans la société. Un manifeste révolutionnaire, alors ? Peut-être bien…

Et de quoi l'auteure traite-t-elle ? le titre est clair : une histoire de genres. Remarquez le pluriel à « genres ». Lexie explique très bien qu'il y a pratiquement autant de « transidentités » que d'individus.
J'ai ainsi été très surpris de découvrir qu'il y a des personnes qui ne se considèrent pas comme genrées, pour qui le sexe en soi n'est vraiment pas une chose importante car, une fois pour toutes, être « trans » c'est se construire une identité qui n'a rien à voir avec le genre établi à la naissance, et donc pas forcément biologique, et donc pas obligatoirement quelque chose de sexuel.
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Imaginez que vous naissiez avec un pénis. Cela arrive ! C'est même plus fréquent qu'on ne le croit puisque qu'il y a, en France, 105 naissances de « garçons » pour 100 naissances de « filles ». Vous voilà doté d'un zizi ! Magnifique, n'est-ce pas ? … Heu, pas forcément ! Imaginons que vous, là ! Oui, vous ! le petit qui baisse la tête et qui prend un air innocent ! Vous ! Vous n'avez jamais compris pourquoi vous aviez ce petit robinet ridicule et que l'on ne vous offrait ni les jouets ni les habits que vous auriez aimé que l'on vous offre ! Une tenue de cow-boy… Des pistolets ! Des ballons ! Des petites voitures… Pfff ! Vous auriez tellement aimé recevoir la robe que votre bête soeur a reçue avec toutes ces jolies couleurs pastel et ces fines dentelles… Vous en avez même profité pour les endosser un jour où, n'y résistant plus, profitant de son absence, vous êtes entré dans sa chambre et vous avez essayé ses plus jolies robes… Malheur ! Cette gourde est revenue à la maison plus tôt que prévu car elle voulait montrer à sa meilleure amie, chez qui elle aurait dû être, la tenue de cow-boy qu'elle vous a piqué, vu que vous ne la mettiez jamais et qu'elle, elle en rêvait ! Elle préfère les pantalons et les shorts et vos parents ne lui achètent pratiquement que des jupes et des robes ! Elle n'y tient pas à ces morceaux de tissu, mais vu que vous les portez, que vous vous êtes introduit dans sa chambre en son absence et avez farfouillé dans ses affaires (elle a déjà oublié qu'elle vous a piqué votre tenue de cow-boy) elle crie au scandale. Vos parents accourent. Ils sont at-ter-rés ! Leur fils habillé en fille ! Quelle horreur ! Pourvu que personne ne l'apprenne ! Hélas, la meilleure amie de votre soeur va se faire un plaisir de diffuser la nouvelle partout : famille, école, club sportif… Vous voilà catalogué : travelo, petit pédé, … (D'ailleurs, ça n'avait échappé à personne que vous étiez bizarre à ne jamais vouloir jouer avec les autres garçons.) Bref ! Une abomination que la religion souhaite voir brûler en… Enfer… Parce qu'en place publique avec la République c'est même plus permis ! Tsss ! Et il n'y a pas qu'elle qui ferait de vous un barbecue !
Vos parents culpabilisent à mort. Comment ont-ils pu rater votre éducation à ce point ? Comment ? Votre soeur a honte et si elle le pouvait, elle changerait de famille (mais en emportant la tenue de cow-boy et vos flingues). Papa et maman, pris dans le scandale (rappelez-vous : la meilleure amie de votre frangine s'est chargée de diffuser largement la nouvelle) vont faire leur possible pour vous guérir ! Psychologues, psychiatres, psymachinchoses, exorcistes (ils sont croyants) … Tout ! Ils ont tout essayé. Même les médicaments ! Mais vous, là ! Oui ! Vous ! Vous voulez leur mort ! Vous ne faites aucun effort ! Vous osez dire de votre petite voix : « Mais je suis une fille, moi ! »
- MAIS NON ! TU N'ES PAS UNE FILLE, FILS D'ABRUTI !
- Pourtant, papa, je te jure !
-TAIS-TOI OU JE T'EN COLLE UNE, FILS DE HYENE !
Vous aimeriez tant pouvoir dire à vos parents, que vous adorez, que vous n'avez jamais compris pourquoi la nature s'était à ce point trompée en vous glissant dans un costume en peau qui vous sied si mal, vous qui pensez comme une fille, vous qui aimez les dinettes, les petites fleurs dans les cheveux, le maquillage, … Vous aimeriez tant qu'ils comprennent que vous ne voulez rien faire de mal ! Juste vous glisser dans un corps qui corresponde à l'idée que les autres se font de ce qu'est une fille ! A la limite, même pas changer de corps. Votre corps actuel vous convient… Enfin… Presque… C'est le regard des autres qui disent que vous êtes un garçon qui vous dérange. Pourquoi la nature vous a-t-elle attribué un corps de ce qu'on appelle un garçon ? Hein ? Pourquoi ? Vous ne lui avez rien fait ! Elle est atroce, la nature ! Vos copains de classe se bagarrent, vous détestez ça ! Ils jouent au foot à la récré. Vous préférez discuter calmement de la nouvelle application sur smartphone qui permet de se voir avec toutes sortes d'habits (vous choisissez toujours ceux des filles, bien plus beaux, bien plus colorés, bien plus variés). Maintenant, tout le monde se moque de vous. Vos parents ont honte. Vos grands-parents font tout leur possible pour vous raisonner. Ils vous promettent des tas de récompenses si vous faites un effort… Alors, vous allez faire un effort ! Pas pour les récompenses, non ! Juste pour retrouver l'amour des personnes qui vous sont chères et que vous avez déçues, bien malgré vous. Vous allez vous inscrire au foot. (Pas facile ! Pour presque tout le monde, vous êtes le petit PD.) Vous allez leur faire plaisir en vous bagarrant. Vous voilà sur la voie de la guérison. Oui, mais… Au fond de vous, vous savez que vous êtes devenu un menteur, un hypocrite, un dissimulateur… Oui, vous mentez à tout le monde ! le foot, vous n'aimez pas ça. La bagarre ? Vous détestez ! Vous n'en pouvez plus de montrer aux yeux de tous ce que vous n'êtes pas du tout. Vous ne supportez plus de vous mentir à vous-même ! Votre vie vous dégoute ! Profondément ! Personne à qui dire la vérité sur vous, sur ce que vous aimez ! Vous avez appris que si vous deviez avaler une boîte entière de médicaments, comme les anti-anxiolytiques, vous alliez mourir, et vous vous dites que, tout compte fait, la mort vous paraît un moindre mal, plutôt que de continuer à vivre une existence qui n'est pas la vôtre. Une vie pleine de frustrations, de mépris de vous-même. Contrairement à d'autres, vous n'avez pas eu le courage d'entamer un combat pour faire comprendre que ce qui serait normal, ce serait qu'on vous fiche la paix ! Qu'on vous laisse vous habiller comme bon vous semble et que si vous avez envie de vous maquiller, cela ne fait de tort à personne ! Vous n'avez pas eu ce courage et votre lâcheté vient alourdir encore davantage l'image d'imposteur que vous avez de vous-même ! Vous n'avez pas oublié les paroles que votre père a prononcées un jour où il était particulièrement en colère : « Je préfèrerais que mon fils meure plutôt que de devenir une tantouze ! »

Alors, ne cherchez pas cette histoire dans le livre de Lexie ! Elle n'y figure pas. Mais, hélas, le nombre de suicides chez les personnes « trans » est tel que je n'ai eu aucune peine à l'imaginer à la lecture des informations fournies par l'auteure dans son ouvrage. Les chiffres qu'elle cite du nombre de personnes « trans » dans les pays où des enquêtes ont été menées démontrent que ces personnes sont bien plus nombreuses que nous ne pourrions l'imaginer. Mais alors, où sont-elles ? Sans doute beaucoup dissimulent leur véritable identité pour ne pas être inquiétées : perdre le boulot, subir des moqueries à répétition, se voir refuser un logement… Ou des soins !

Vous n'êtes pas « trans » ? Moi, non plus ! Est-ce une raison pour ignorer les souffrances de personnes qui ne demandent qu'à ce qu'on les laisse vivre leur existence ? En quoi, le fait que votre voisin mette des jupes gâche-t-il votre journée ou vous empêche-t-il de le saluer et de prendre de ses nouvelles ? Comment ? Il a des enfants ? Là, ça, ça devrait être interdit, non ? Ah ? Et pourquoi ? Ce n'est pas un vrai père ? Et c'est quoi un « vrai » père ? Je connais des enfants qui sont élevés par deux « pères » et d'autres par deux « mères » et qui ne sont pas malheureux pour autant… Ah, si ! ils souffrent parfois… Quand ils entendent nos commentaires désobligeants sur leurs parents !

Serait-ce tellement difficile d'accrocher nos préjugés dans une vieille armoire normande bien solide, d'en refermer la porte avec la grosse clé et puis de jeter celle-ci au fond d'un lac ou d'une mer ?
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