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Critique de Biblioroz


Difficile, pour une adolescente de 13 ans, de comprendre et d'accepter qu'une seconde maman qui faisait partie intégrante du foyer familial et avait pris soin d'elle dès sa naissance quitte la maison pour se marier et, peut-être, fonder une famille à son tour. En même temps, comment ne pas avoir honte de trouver que ce nouveau tournant, dans sa vie et dans celle de Georgette, lui semble aberrant ? L'amour qu'elle avait prodigué au long de ces années pouvait-il prendre fin ? Comment imaginer que Georgette était rémunérée pour être auprès de son frère et elle ? Une domestique, une fille comme ils disent au Liban. Alors la honte n'est-elle pas plutôt là, dans le fait d'avoir eu une domestique ? Que cette vie, impliquée dans toutes les taches quotidiennes, soit restée en marge dans les films amateurs que la mère aimait tant tourner ?
Du départ de Georgina, Dea Liane ne se souvient plus du déroulé mais se rappelle de l'absence de larmes de sa part qu'elle ne se pardonne pas. Les larmes de Georgette, sincères, disaient toute la peine de s'arracher à l'amour qu'elle avait donné aux enfants de ce foyer qui n'était pourtant pas le sien mais qu'elle considérait comme tel.

La mère filmait, parfois, rarement, c'est Georgette qui tenait la caméra. Dea Liane écrit ici les images, les gestes du bain donné par Georgette, le biberon que la petite prenait, bien calée dans ses bras, le premier Noël en France, les vacances… de ces séquences, l'autrice scrute les moindres attitudes de Georgette pour lui donner la vedette qu'elle n'a jamais dans les films de la famille.
« Je fais le point sur elle, elle qui est toujours dans les marges du cadre, cachée derrière nos corps, planquée derrière son rire rauque et offert. [...]. Je plisse les yeux et j'essaie de distinguer dans l'image pixellisée les contours de son univers ; d'entendre dans les paroles grésillantes les limites de sa condition. »
Entre ces épisodes de vie tournés au Liban, en Syrie, en France, Dea Liane se demande ce que pensait Georgette, creuse dans sa mémoire mais n'y trouve pas suffisamment de traces de tous ces moments passés auprès de sa seconde mère.
Mais surtout, elle sait que cette situation, cette présence, n'aurait jamais dû être. Elle écrit sa douleur, et, en toute franchise, partage sa culpabilité avec le lecteur. Cet écrit, tout en dénonçant cette « domesticité traditionnelle » est un soulagement pour elle, ne pas laisser dans l'oubli cette réalité, cette relation ambivalente, tout en honorant Georgette, tout en l'aimant.

Des passages au Liban, ce roman-confession montre aussi, dans la bourgeoisie, les différents visages de la présence, banale, des « filles » à demeure. « Nommer les rapports de domination, le mépris de classe, le racisme ordinaire. Oser parler d'esclavage. »

Au premier abord, l'écriture décrit, nettement, précisément, les images, les souvenirs. Je pensais que ce style allait tenir à distance l'émotion mais il n'en est rien. L'affection portée à Georgette se ressent ainsi que la force du lien invisible tissé entre elles deux pendant treize années. La perte de cette relation et l'envie de reprendre contact ébranlent le lecteur.
Un premier roman vibrant qui donne, dans toute sa lumière, le premier rôle à Georgette.
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