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Critique de Syl


Syl
16 février 2015
Les hommes préhistoriques de la période aurignacienne (40000 ans avant J-C) ont certainement ressenti comme nous l’extraordinaire beauté du site avec le cadre majestueux du Pont d’Arc qui enjambe une rivière sinueuse. Pour contourner une barre rocheuse, cette rivière a creusé le cirque d’Estre et fait apparaître des falaises escarpées. Au-dessus du méandre asséché, s’ouvrait (à l’époque des artistes préhistoriques) sur le flanc de la montagne une immense entrée de dix mètres de haut, visible de très loin. Ce porche a aujourd’hui disparu suite à un éboulement de la roche (il y a environ 21000 ans) condamnant ainsi l’accès aux hommes et animaux.

En décembre 1994, trois spéléologues (Eliette Brunel, Christian Hillaire et Jean-Marie Chauvet) s’intéressent, comme depuis de nombreuses années, à la richesse souterraine de la région. Ils recherchent à travers les fissures de la paroi le moindre souffle d’air. Ayant repéré quelques semaines auparavant un filet d’air dans la paroi (en surplomb de l’ancienne entrée), ils avancent en rampant dans un étroit boyau puis débouchent dans une vaste cavité ; la beauté minérale les sidère. Sur les sols argileux parfaitement conservés, ils marchent doucement entre des ossements d’ours. En pénétrant dans de nouvelles galeries, Eliette Brunel s’écrie : « Ils sont venus ». Sur les parois des peintures de chevaux, félins, rhinocéros se mélangent par dizaine. Encore chamboulés par leur découverte, les trois amis quittent avec précaution les lieux. Un semaine plus tard, la veille de Noël, ils reviennent accompagnés de trois amis. Pour protéger le sol, ils installent des bandes en plastique. Ils atteignent le fond de la cavité et découvrent une fresque unique et bouleversante.
« Nous en avions tous les larmes aux yeux, et nous nous demandions en permanence si nous ne vivions pas un rêve éveillé » raconteront par la suite les découvreurs. Le préhistorien, spécialiste de l’art pariétal Jean Clottes se rend le 29 décembre pour authentifier la découverte. D’abord sceptique, le spécialiste est vite stupéfait par ce qu’il voit. Devant la scène des Félins, il ressent l’une des grandes émotions de sa carrière. Certain de l’authenticité des peintures, il reste six heures dans la grotte en compagnie des découvreurs et de deux autres personnes.

Le 18 janvier 1995, le ministre de la culture Jacques Toubon annonce l’existence de la grotte Chauvet avec ses fabuleux trésors artistiques en compagnie des trois spéléologues.
Des prélèvements dont des échantillons de charbons de bois permettent, par la technique du carbone 14, de dater les peintures (autour de -35000 ans). Il s’agit des plus anciennes représentations de l’humanité, deux fois plus vieilles que celles de Lascaux. Notre conception de l’art préhistorique s’en trouve alors complètement bouleversée. En effet, on peut constater qu’il n’y a pas d’évolution stylistique dans l’art pariétal. Les artistes de la grotte de Chauvet sont aussi talentueux que ceux de la grotte de Lascaux. Ainsi, la notion de progrès n’existe pas dans l’art à l’inverse de la science. Les théories de Leroi-Gourhan se trouvent contredites car il parle d’une évolution stylistique, les formes représentées étant très schématiques à l’Aurignacien ; ce qui n’est pas du tout le cas ici.

La protection de la grotte est rapidement mise en place avec une lourde porte blindée reliée à un système de vidéo surveillance. L’accès au public est interdit. Afin d’éviter les erreurs faites à Lascaux, les visites sont rares et dépendent de plusieurs paramètres physiques enregistrés par des capteurs comme la teneur en gaz carbonique.

La capture de la grotte en 3D permet de mieux saisir les volumes, mettant en évidence les trous et les saillies. Des scanners ont enregistré seize milliards de points. Sur ces surfaces 6000 photographies réalisées en haute définition par Lionel Guichard ont été superposées. Sans se déplacer, le spectateur peut alors, par l’intermédiaire de son ordinateur (sur le site lepremierchedoeuvre.com), admirer les peintures de la grotte en visualisant bien les dessins qui épousent parfois les courbures de la roche. Les artistes ont parfaitement utilisé les anfractuosités des parois. Le relevé topographique montre la grotte selon les trois dimensions. On peut aussi voir dans l’espace, un crâne d’ours qui a été posé sur un rocher. Quelle était l’intention de ce geste, cérémoniale, rituelle… ?

La grotte renferme 442 représentations animales, des signes (points, traits, hachures) et des empreintes humaines (des mains en positif ou négatif) qui remettent en cause nos réflexions à propos de l’origine de l’art. Le bestiaire est dominé par des animaux dangereux (félins, mammouth, rhinocéros, ours).

Les techniques utilisées sont parfaitement maîtrisées et très diverses (fusain, peintre à l’ocre rouge et jaune, tampon, gravure, raclage, estompe…). Des mises en scènes avec des associations complexes suscitent notre admiration et provoquent une véritable émotion esthétique. On pense que seulement quelques artistes ont œuvré, peut-être encadrés par un maître car on retrouve des ressemblances dans la façon de représenter les oreilles. Ces artistes étaient sans doute assimilés à des chamans, donnant à la tribu une pensée spirituelle.
Les études ont montré que certaines empreintes de mains étaient celles d’une femme ou d’un adolescent. Des aménagements de la grotte ont été réalisés par les hommes préhistoriques car des blocs de pierre ont été déplacés afin de former des marches ou un bassin.

Après avoir descendu une échelle métallique, on entre d’abord dans la salle Brunel, où on remarque à l’ouest l’éboulis qui a fermé l’ouverture première de la cavité. Au fur et à mesure que l’on progresse les peintures se révèlent de plus en plus présentes et envoûtantes. Dans la salle Hilaire, neuf ensembles regroupent des dizaines d’animaux. Ainsi le panneau des chevaux montre toute l’habilité des artistes et leur faculté à concevoir des mises en scènes très élaborées. Dans le prolongement de la salle Hilaire, la salle du Crâne est recouverte au sol d’ossement d’ours. Au centre de cet « amphithéâtre », est posé sur un bloc de pierre un crâne comme un acte symbolique. La salle du fond constitue le saint des saints avec des panneaux monumentaux et très expressifs comme le fameux panneau des lions d’une beauté fascinante.

Le projet d’un fac-similé à deux kilomètres de la grotte faisant appel à des technologies de pointe et au talent d’artistes copieurs voit le jour en 2007. En 2015 la fin du chantier permet l’ouverture de la Caverne du Pont-d’arc (reconstitution de Chauvet-Pont d’Arc).

Ce livre permet une immersion totale dans la grotte en raison de la qualité des images, le tout renforcé par la 3D sur ordinateur. D’un abord facile, le texte replace fort bien le contexte de la découverte et la portée historique de celle-ci.

Un magnifique et passionnant livre que je vous recommande !
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