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Critique de MarcelineBodier


ATTENTION : MON COUP DE COEUR DE LA RENTREE LITTERAIRE 2019 (et au-delà), LE 21 AOÛT EN LIBRAIRIE !!!

J'ai eu la chance de lire L'imprudence avant sa sortie et j'ai été bouleversée par ce roman qui correspond en tout point à ce qui me chavire en littérature : quête d'identité, écriture sans aucun tabou ni censure tout en filtrant la crudité des propos par un style raffiné, recherche du sens d'une expérience individuelle dans celle de la famille, des ancêtres, et de la grande histoire. C'est un roman très court, que j'ai déjà lu deux fois, et qui est d'ores et déjà pour moi la révélation de cette rentrée littéraire (dont j'ai pourtant déjà lu plusieurs autres titres).

L'histoire s'articule autour de trois grands jalons. 1975 : une famille fuit le régime autoritaire qui vient de s'installer au Laos. Les parents, leur fils de onze ans, leur bébé d'un an. 1997 : le bébé a 23 ans au moment où le décès de leur grand-mère les fait revenir dans la ville qu'ils avaient quittée. 2019 : le bébé a 45 ans et raconte ce séjour et son histoire en s'adressant directement à son frère, à la deuxième personne. Elle lui envoie une magnifique déclaration d'amour, à lui qui ne s'est jamais remis de la rupture brutale qu'on lui a infligée au beau milieu de l'enfance, qui « se sent un imposteur en vivant une vie de Français ». En 1997, au moment où se situe l'intrigue, elle, sa soeur, ne lui avait rien dit de ses choix de vie occidentaux, parce qu'elle pensait que sa famille n'y aurait pas survécu. Si elle lui écrit enfin en 2019, c'est peut-être parce que le temps a renversé les priorités : aujourd'hui, c'est ne pas raconter qui serait destructeur.

Le livre décline la grande histoire comme clé de la petite. Fuir un régime autoritaire en 1975, avec de jeunes enfants qu'on veut préserver, qu'est-ce que ça fait aux personnes concernées ? La narratrice, trop jeune pour se souvenir de son année de naissance passée au Laos, vit une vie occidentale. Très occidentale même, tout en conservant son origine étrangère inscrite sur son visage : est-ce pour cela qu'elle est devenue photographe, avide de capter la surface des choses pour montrer comment on peut lui faire révéler le sens caché ? Un des fils conducteurs du livre est une expérience qui fait penser à celle de La nausée de Sartre : à cinq ans, fixant le plafond, elle l'a vu « dans son étrange nudité », ce qui l'a menée à la conscience d'exister, puis, à l'âge adulte, à organiser sa vie autour de son regard.

Au final, le livre mêle deux aspects fondamentaux de l'identité : la vie sexuelle et la quête des origines (d'ailleurs, je le mets de ce pas dans ma liste dédiée), en faisant sentir les correspondances et même les filiations entre les deux. Le sens du parcours de la narratrice se construit au contact de son grand-père, dont la vie a été prise au piège de son propre amour de l'amour. « La seule chose qui me console », lui dit-il, « c'est de penser que, là-bas, tu es quelqu'un. Là-bas, tu as le choix. Tu me ressembles tellement. » Elle : « Je pourrais mourir d'entendre cela. Tant de mouvement. Cet afflux. La grâce que je n'attendais plus. »

Un roman vraiment très fort qui emportera celles et ceux qui, comme moi, sont sensibles avant tout aux émotions et à la recherche du sens qui se cache derrière toutes nos expériences humaines.

[Ci-dessous, le lien vers la chronique que j'ai écrite pour 20 minutes.]
Lien : https://www.20minutes.fr/art..
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