AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur L'imprudence (36)

Quittant l’hostilité de notre pays, nous avons intégré un autre État, dans lequel notre famille a établi un camp de retranchement renfermant lui-même nos espaces défensifs, au fond desquels nous sombrons sans fin, réduisant à l’impossible nos cercles d’action, de vie, de désir. Soit un ensemble d’exils séquentiels – politique, culturel, générationnel, relationnel, professionnel, existentiel – menant inexorablement à l’effacement de ce que nous sommes. Un exil de nous-mêmes. Une déterritorialisation intime.
Commenter  J’apprécie          190
Au bout de la course, longue de dix-huit heures, s’étire le fleuve. À coups redoublés, il lèche les rives charnues, offertes à ses assauts. Il me semble que c’est moi que je regarde. Moi retournée comme un gant, le paysage à l’intérieur de moi, déployé à perte de vue. Voici l’influx qui traverse ma chair et m’entraîne là où peut s’accomplir ma jouissance. Je le contemple. Il court sous ma peau.
Sur la rive thaïlandaise, la foule afflue vers l’embarcadère. Quelle indécence, tous ces gens piétinant mon intimité. Une petite centaine de personnes s’agitent dans mon panorama secret. La cohue draine caisses, bagages, victuailles vers le prochain bateau. Cette effervescence foule en toute ignorance ma nudité. Une nudité plus grande que le dévoilement du corps. Je frémis d’une telle impudeur.
J’avance pourtant. Je quitte la gare portuaire de Mukdahan et emprunte à mon tour le sentier menant vers l’embarcadère. La clarté est sidérante, partout renvoyée vers ma peau accablée, ma peau d’hiver. Elle est comme un œil grand ouvert, braqué sur moi. Voilà mon visage d’aujourd’hui.
Commenter  J’apprécie          152
Il se tait un moment. Son regard se perd dans les fioritures cimentées du cinéma, reflets matériels de ses souvenirs enchevêtrés.
"Que dois-je penser de la France, chère petite ? Elle m'a instruit et donné un uniforme. Mais, à ses yeux, je demeure un indigène. Elle m'a pris ceux que j'aimais. Madeleine, mon unique fille, toi, ton frère."
Commenter  J’apprécie          140
Je pourrais ressembler à une Française. Mais ce n’est pas le cas. Tout se joue sur le visage. La vie se décide à partir de là. J’aimerais penser qu’il n’en est rien, qu’il n’y a pas de déterminisme, que les individus éclairés peuvent échapper à ce genre de paramètre. Mais c’est faux. J’ai grandi dans la banlieue de Cherbourg. Et là, le comportement de tous ceux qui me regardent, quelle que soit leur perméabilité aux préjugés, est contaminé par cela. Phénomène à peine moins perceptible à Paris. C’est ainsi. Au premier regard, cela est prononcé. Je ne suis pas d’ici. Tout le monde le voit. Tout le monde le sait. Je sais que l’on sait. Et cette chose est posée là, entre les autres et moi.
Commenter  J’apprécie          62
Cela me désole que tu t’y sois résigné. Je rêve chaque jour de ton évasion. Dynamiter ta cellule par le récit de mes aventures. Et te montrer un autre possible. Une vie intense, mouvante. Une fois par mois, je reviens. Je retourne dans cet appartement pétrifié où, avec un acharnement rectiligne, tu sombres.
Commenter  J’apprécie          61
Il n'est plus question de pays ni de terre. Pas d'archétype non plus. Rien qui soit rattaché à quelque région, ville, place, maison. Dans les yeux de l'Américain , j'ai compris cela : le seul endroit sur terre dont je peux revendiquer l'appartenance est le périmètre de ma peau. C'est là le seul, le vrai lieu qui est mien. Et le désir qui le hante, l'appétit, la souveraine pulsion de vie, me rappellent à chaque instant ses contours, ses reliefs, sa présence.
Commenter  J’apprécie          40
Son visage est une étendue rocailleuse, traversée de fleuves asséchés dont les lits racontent en creux la vigueur et l’éclat. On pourrait s’y perdre des jours, ne vivre que pour cela, le regarder comme on contemplerait un paysage mobile, le Mékong, la mer renversée. Certains jours, il semble que les fleuves filent de nouveau, abreuvent ce visage, et qu’il ne tient qu’à moi d’en remonter le courant.
Commenter  J’apprécie          40
Son regard m'avait pistée du rayon Linguistique jusqu'à la porte de la librairie. Discret, affamé. Dans l'affluence feutrée, cette avidité irradiait, réclamant mon attention. A trois mètres à peine, il était là.
Commenter  J’apprécie          40
J'embrasse mes parents. J'aime toujours cette première étreinte lorsque nous nous voyons. Sincère et spontanée, vierge des crispations qui succèdent à mon arrivée.
Commenter  J’apprécie          30
Notre mère scrute ton coude amoché et soupire.
(…)
Elle s’empresse de tamponner ton éraflure au coude, avec la fermeté d’un urgentiste.
(…)
D’un mouvement sec, tu te délivres. Et tu hurles. D’un jet continu, inaltéré. Tu hurles que tu veux avoir mal, que tu veux lutter tout seul contre cette douleur, pour apprendre, pour avoir cette chose pour toi, et qu’elle, notre mère, t’a toujours empêché de souffrir et de cela tu lui en veux, penser que tu ne pourrais pas supporter, que tu étais trop faible pour résister, trop faible parce que tu n’es que son fils. Juste son fils.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (234) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Famille je vous [h]aime

    Complétez le titre du roman de Roy Lewis : Pourquoi j'ai mangé mon _ _ _

    chien
    père
    papy
    bébé

    10 questions
    1429 lecteurs ont répondu
    Thèmes : enfants , familles , familleCréer un quiz sur ce livre

    {* *}