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Critique de Ziliz


« Je suis l'une des 160 qui vivent encore sur les 2 500 qui sont revenus. Nous étions 76 500 juifs de France partis pour Auschwitz-Birkenau. Six millions et demi sont morts dans les camps. »
Marceline Rozenberg et son père ont été déportés en 1944, ils se sont croisés quand elle était détenue à Birkenau et lui à Auschwitz. Il a eu le temps de lui donner un papier avec quelques lignes. Elle ne se souvient pas des mots, elle sait qu'il la suppliait de vivre. Il n'est pas revenu. Soixante-dix ans après son retour, elle lui écrit...

Récit sobre, intense et très honnête. Marceline Loridan-Ivens dit beaucoup en peu de mots. Le lecteur adulte saura lire l'horreur entre les lignes - le matricule, l'humiliation, la violence, l'extrême dénuement, la faim, la maladie, la mort... La difficulté de reprendre le cours de la vie, « après », de dormir dans un lit, de voir une douche, d'en parler avec les autres, ceux qui n'y étaient pas, d'accepter leurs attentes (se marier et avoir des enfants, par exemple). Les stigmates, à vie : « Je dîne une fois par mois avec des amis survivants, nous savons rire ensemble et même du camp à notre façon. Et je retrouve aussi Simone. Je l'ai vue prendre des petites cuillères dans les cafés et les restaurants, les glisser dans son sac [...] ; elle stocke encore les petites cuillères sans valeur pour ne pas avoir à laper la mauvaise soupe de Birkenau. »

L'auteur souligne la responsabilité des autorités françaises, évoque le sentiment de culpabilité de ceux qui en sont revenus alors que les autres y sont restés, les traumatismes aussi de ceux qui y ont perdu des proches, comme le frère de Marceline, « malade des camps sans y être allé » : « [...] il dessinait des croix gammées sur ma boîte aux lettres ou bien laissait des messages sur mon répondeur, il prenait une voix de SS et aboyait 'Vous prendrez le convoi 71 avec madame Simone Veil.' Il s'était même fait tatouer SS sur l'épaule. Il jouait au bourreau pour se rapprocher de la victime, toi [notre père]. Il m'en voulait de t'avoir accompagné, j'avais pris sa place, celle de l'enfant qui marche dans ton sillage. C'est en tout cas comme ça que je l'entendais. »

Ce qui m'a marquée à la lecture de ce témoignage, c'est la sincérité de Marceline Loridan-Ivens : « Alors, tels des animaux, les filles des wagons se battent pour la nourriture. Moi je regarde la scène, je ne me bats pas. Ça m'est peut-être arrivé d'être comme ça et j'ai préféré l'oublier aussi. »

A une époque, on répétait naïvement que des textes comme celui-là empêcheraient l'horreur de revenir. L'auteur n'est pas dupe : « [le monde] est une mosaïque hideuse de communautés et de religions poussées à l'extrême. Et plus il s'échauffe, plus l'obscurantisme avance, plus il est question de nous, les juifs. Je sais maintenant que l'antisémitisme est une donnée fixe, qui vient par vagues avec les tempêtes du monde, les mots, les monstres et les moyens de chaque époque. [...] il ne disparaîtra jamais, il est trop profondément ancré dans les sociétés. »

- Merci Marina.
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