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Critique de Dionysos89


En finir avec Eddy Bellegueule, le premier roman de celui qui a désormais choisi le nom d'Edouard Louis, se lit d'une traite, c'est certain. Poignant, direct et vraiment horrible, on peut dire que ce roman autobiographique tape là où ça fait mal.

Et il y a sûrement de quoi c'est certain. Même s'il est surmonté de l'indication « fiction », ce roman est clairement autobiographique et Edouard Louis tente de nous raconter l'enfer de sa jeunesse. Sa vie de jeune garçon confronté au regard des autres qui le juge parce qu'il a parfois des « manières de fille » et qu'il n'aime pas ce que les autres garçons font « habituellement ». Dans une extrême misère sociale, le petit Eddy subit encore et encore les brimades de son père violent, de sa mère pas très futée et de ses frères et soeurs trop coulés dans le moule. Et c'est bien de cela qu'il s'agit ici surtout : se couler dans un moule préfabriqué ou non. La Picardie qui nous est dépeinte ici est bien loin d'être reluisante et l'auteur dénonce, tour à tour, les débordements liés à l'alcool, le manque d'éducation de la population locale et la xénophobie latente (envers les étrangers non français, comme envers ceux non locaux d'ailleurs). C'est moche, c'est glauque et nous pouvons avoir peine à enchaîner les péripéties de ce jeune Eddy tant il cumule en quelques pages des situations consternantes.

Malgré tout, il y a de quoi être constamment gêné de voir ce jeune auteur déblatérer sur sa famille et les atrocités qu'il a déjà pues rencontrer. En effet, il semblerait que ce soit bien son histoire ou une partie qu'il ait fini par raconter dans son premier roman. le but pour lui est sûrement de tourner la page d'une jeunesse meurtrie, mais pour cela il va particulièrement fort dans la critique de son entourage, de son environnement d'alors. Aucune excuse pour la bêtise ambiante, aucun pardon pour les brimades subies : l'heure est à la dénonciation simple et gratuite qui peut lasser, même si cet ouvrage tourne seulement autour des deux cents pages. Les raccourcis pris dans l'accumulation de scènes parfois horribles donnent aussi l'impression d'un condensé qui écrase la réalité, sûrement déjà bien assez horrible comme ça. Même des lieux comme l'école, qui pourrait, et devrait, être un refuge pour lui, ne sont propices qu'à des comparaisons douloureuses avec les autres.

Comme aborder ces deux aspects à la fois très lourds et fort gênants à lire ? Avec du recul, sûrement. En essayant de se départir de l'aspect horrible de ces scènes et en comprenant que l'auteur est avant tout dans la rancoeur et la dénonciation. C'est vraiment le manque de recul de celui-ci qui gêne la lecture. Comme par exemple quand il parle de sa mère au point d'excuser, de manière plutôt condescendante, son manque d'éducation et sa bêtise vis-à-vis de lui. Bien sûr, il ne s'agit pas de tendre l'autre joue, bien au contraire, mais l'auteur, si c'est bien son histoire exacte ici, a pu se sortir de cette situation et faire des études supérieures depuis. le fait qu'il ne semble pas que ce soit le cas généralement dans sa région natale crée déjà un décalage non négligeable. Pour autant, bien sûr, bien des préjugés dénoncés dans cet ouvrage sont à mettre en avant tant ils sont encore particulièrement prenants dans notre société : l'auteur parle surtout ici « des pédales, des gouinasses et des précieux », mais rien que la condition de la femme pourrait également un axe de lecture tristement intéressant.

En finir avec Eddy Bellegueule est donc un cri du coeur de ce jeune Edouard Louis, poignant au possible, mais qui pêche par un énorme manque de recul sur sa situation et son environnement. Qu'il est difficile de donner un avis tranché sur ce récit dérangeant !

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