AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bernardbre


(Quelqu'un lit par-dessus mon épaule, hausse les siennes et s'interroge : «Comment peut-on écrire un livre sur une ville où l'on n'est jamais allé ?» Sans doute parce que la poésie peut tout...)
Si donc la poésie a tous les droits, elle ne garantit la réussite d'aucune expérience. Mais ici, il s'agit bien de réussite.
«Empathique» est le premier adjectif qui vient pour qualifier ce petit livre. Découvrant, au travers d'interviews, ce que vivent depuis plusieurs années les habitants de la ville américaine sinistrée de Detroit, Sophie G. Lucas a moins voulu prendre la parole que la leur donner («après Motor City / Motown / Hitsville / Murder City / Notown / Detroit est devenue / Shrinking Town / la ville qui rétrécit / Detroit est passée de deux millions / à 700 000 habitants / on la surnomme le Ground Zero de l'économie nationale »). Leurs mots, confiés ici et là dans des micros, prennent une tout autre force lorsqu'on les lit imprimés sur le papier, dans un livre : comme arrêtés, ils portent. Et le plus simple devient le plus bouleversant – «nous avons été liquidés [...] on n'a pas vu la fin arriver [...] plus de 60 000 maisons ont été saisies [...] l'Enfer c'est maintenant»...
Au delà des paroles strictement rapportées, Sophie G. Lucas n'analyse pas – ni ne poétise –, elle rend compte, au plus près, des images vues : «les scellés sur les portes des maisons [...] les rideaux des magasins tirés / d'autres à moitié soulevés pillés [...] les toits brûlés (des trous) / et le ciel dans les maisons»...
Avec une économie d'écriture exemplaire et scrupuleusement limitée au factuel, Sophie G. Lucas nous emmène là où elle n'est pas allée et, partant, nous rend à l'appréhension, proprement humaniste, de la misère du monde, offrant ainsi une illustration de l'inoubliable formule de Miguel Torga : «L'universel, c'est le local moins les murs». Pour paraphraser un slogan fameux de Mai 68, nous pourrions tout autant affirmer ici et aujourd'hui : «Nous sommes tous des habitants de Detroit».
Le petit format carré de ce livre, très élégant, sert au mieux la brièveté des textes, et les encres de Maxime Dujardin se révèlent d'une impeccable pertinence.
Chronique parue dans "Encres de Loire" n° 65, automne 2013

Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
Commenter  J’apprécie          60



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}