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Critique de GabrielKevlec


Ma première expérience du théâtre fut aigre-douce : tombé en amour pour un jeu d'acteur extraordinaire un weekend, et atterré devant la lecture plate, sans vie, d'une pièce au collège (pardon, pardon, collègues de français…)
Si vous êtes comme moi, avec ce souvenir un peu acide de pièces lues à contrecoeur et avec beaucoup de difficultés… foncez.
Parce que cette oeuvre m'a définitivement réconcilié avec un style littéraire qui m'avait laissé comme une petite aigreur.
Les personnages, d'abord : délicieusement affublés de noms qui fleurent bon la salle de français du lycée, ils sont vivants, profondément actuels dans leur vocabulaire et leurs réactions. Drôles, touchants, humains par-dessus tout, on se reconnait facilement dans cette galerie de personnalités.
Le thème ensuite : la violence conjugale. Un thème que l'on souhaiterait ne plus voir défrayer l'actualité, et pourtant… À travers ses répliques d'une folle précision, avec ses mots sans fards, agréable mélange de termes surannés et usuels, Florent Lucéa parvient à décrire les étapes de ce cercle vicieux, ce piège qui se referme, ce piège qui tue. La honte, le silence, le déni, le pardon qu'on accorde à celui ou celle qui ne le mérite pas, le chantage, ces phrases terribles, celles que trop entendent, des mots en couteaux sous la gorge, semant le sel de la culpabilité sur des plaies à vif : « … tu veux vraiment m'abandonner à mon sort ? Après tout ce que j'ai fait pour toi ? »

En un seul acte, la toile se tisse, pernicieuse, et se referme sur Colombine, épouse de Sganarelle. Épouse, vraiment ? Elle est jouet, propriété, punching-ball, faire-valoir, défouloir… Elle est femme et victime, victime parce qu'elle est femme en ce monde imaginaire qui ne respecte plus celles qu'on affuble des mots « sexe faible ». Un monde pas si imaginaire que ça… Avez-vous allumé les infos dernièrement ? En 2020, 159 400 personnes ont porté plainte pour violence conjugale. En 2021, 113 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint.
« Il n'y a pas de baffes amoureuses ou de gifles enamourées ou de bousculades désirables ou de viols admirables ou de coups vertueux ! »

J'ai adoré ce livre, rendu tellement vivant par la maestria de l'auteur dans la confection des didascalies et des répliques, cette oeuvre-manifeste qui ne tombe pas dans le travers du pathos ou de la moraline, cette pièce qui montre plutôt que de dire. Florent Lucea montre ici une plume solide et précise, un talent indéniable pour ce genre littéraire si difficile à maîtriser. Les personnages ont pris vie et jeu devant moi, et ils ont mis des mots et des costumes, une réalité de papier à des prénoms qu'on lit dans les journaux et qu'on oublie vite, trop vite.
Une oeuvre à mettre entre toutes les mains, devant tous les yeux, et si le vôtre est cerné de noir, n'oubliez pas : le 3919 est gratuit, anonyme, et 24/7.
« Faites briller votre flamme, qu'elle soit brasier, qu'elle soit tempête, qu'elle soit vive ! »
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