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Critique de kielosa



Le mot russe "kukolka" signifie "poupée" en Français.

C'est aussi le surnom de la petite protagoniste du livre : Samira, 7 ans, dont la mère est morte et le père incurablement alcoolique et qui se trouve ainsi dans une maison pour enfants égarés en Ukraine, à Dnipropetrovsk, au sud-est du pays. Lorsque sa meilleure amie, Marina, est adoptée par un jeune couple sympathique d'Allemands, notre petite tzigane ne tient plus le coup et décide de s'échapper de cet institut abominable, artistiquement nommé "Rayon de soleil", et d'aller rejoindre Marina, dans l'espoir que le couple l'adoptera également.

La description par Kukolka de ce superbe établissement pour enfants m'a fait penser au saisissant témoignage de Marion le Roy Dagen "L'enfant et le dictateur", qui nous dépeint l'horreur des "orphelinats" en Roumanie du temps de ce grand humaniste qu'a été le "conducător" Nicolae Ceauşescu !
Je signale en passant que Marion le Roy Dagen est une des nôtres, puisqu'elle a adhéré, le mois dernier, à notre site, sous le pseudo "Mald".

Pourtant la pauvre môme n'en est qu'au premier cercle de son enfer.

Sans le sou et sans l'adresse exacte de sa copine en Allemagne, Samira reste bloquée à la gare. Un Géorgien l'amène à bord de sa scintillante Alfa Romeo dans sa maison délabrée et à l'écart. Rocky, comme il se fait appeler, y héberge plusieurs enfants qu'il fait travailler comme mendiant, pickpocket et/ou prostitué(e). L'aînée, Dasha, qui ne pense qu'à mourir, a presque 16 ans. Samira lie très vite amitié avec Lydia, 15 ans, qui partage la couche de Rocky et joue en son absence au chef. Puis il y a Sergueï, qui a le même âge que Lydia et en est secrètement amoureux. La galerie est complétée par les jumeaux Oleg et Petja, d'habiles pickpockets et souvent camés, et le petit Ilya, qui ressemble à un monstre sans yeux à la suite d'un passage à tabac solide par une bande rivale, et qui est chargé des super sales besognes. Ce petit dernier joue très bien l'accordéon.

Samira commence sa carrière professionnelle comme petite mendiante et a un certain succès grâce à ses beaux yeux verts et regard triste. Comme elle a pitié de Dasha, que les autres rejettent et, qui lui a appris les fines ficelles de la "pickpocketerie". Son second job. Un jour cependant, cela tourne au vinaigre : Dasha se fait tuer par une brute épaisse à qui elle avait osé subtiliser son petit sac. Samira est complètement désespérée et n'arrive plus à se nourrir. Rocky la laisse en paix et elle passe ses jours et ses nuits sur un drap sale à pleurer.

Le temps passe et Kukolka calcule que cela fait 3 ans qu'elle vit dans ce jardin d'Éden et qu'elle a donc 10 ans. Comme elle bénéficie d'une voix forte et claire, elle fait maintenant équipe avec Ilya à chanter des ballades populaires, comme "Malenkaja Strana" (petit pays) près de la fontaine du Karl Marx Prospekt. Peu de temps après, Lydia enceinte de Rocky doit se faire avorter par une vieille faiseuse d'anges ...et meurt. Nouveau drame pour Samira qui peut enlever le sang dans la cuisine et nettoyer le corps de la gamine.

Le 8 mars 2000 un miracle se produit : Samira, en train de chanter dans une bouche du métro, est admirée par un jeune adonis, habillé luxueusement d'un manteau en cuir fin et une chapka en fourrures, qui lui offre des fleurs. Il s'appelle Dimitri, a 22 ans, est Ukrainien vivant à Berlin et s'occupe à exporter des bagnoles allemandes d'occasion vers l'Ukraine et la Russie. Il lui offre aussi un repas dans un resto du coin. Pour Kukolka, 13 ans entretemps, c'est LE coup de foudre !

Mais Dima, comme elle l'appelle affectueusement, est-ce son prince charmant, ou au contraire, un dangereux "loverboy" ?

Ce terme désigne de jeunes beaux mâles, recrutés par des mafias puissantes pour dénicher de charmantes gamines qu'ils doivent séduire et expédier à l'étranger pour travailler dans la prostitution.
C'est ce qui arrive à Samira ! Dima lui procure un faux passeport au nom de Margarita Shvarts (un nom juif), un ticket de bus Kiev-Berlin et quelques dollars pour refiler, si besoin est, aux douaniers ukrainiens ou polonais. À l'arrêt du bus à Berlin, il y a le cousin de Dima, Vladimir Vova, qui l'amène à l'appartement de Dima, où elle est virtuellement séquestrée. À son retour, ce cher Dima lui achète des vêtements sexy, lui apprend à se maquiller, la "passe" à des potes avant de la remettre à un bordel.

L'ouvrage comporte des passages très durs d'abus sexuels divers. Lana Lux, qui s'est pendant 2 ans consciencieusement documentée sur le trafic international de jeunes filles enlevées dans le but d'en faire des prostituées par des bandes criminelles, ne recherche cependant pas la sensation facile. Ces passages visent à dénoncer et lutter plus efficacement contre ce trafic hyper scandaleux.

Avec son premier livre la jeune Lana Lux, née en Ukraine en 1986, a causé des controverses en Allemagne, en Angleterre, aux Pays-Bas et en Flandre. Des traductions sont en cours en Italien, Espagnol etc. Vu le succès de l'ouvrage sûrement aussi en Français
.
Lorsqu'elle avait 10 ans, ses parents juifs ont décidé de s'établir en Allemagne, où l'auteure a obtenu un diplôme en sciences nutritionnelles et a simultanément étudié le théâtre au studio Michael Chechov d'art dramatique à Berlin. Elle a dédié "Kukolka" à son mari Konstantin et sa fille Rosalie.

Dans une interview avec un magazine allemand, en parlant de l'émigration de ses parents, qui n'étaient pas les seuls Juifs à s'exiler en Allemagne (en fait, il y en a eu quelque 200.000 avant que les autorités réagissaient, dont certains uniquement Juif ... sur des faux papiers), Lana Lux a rappelé qu'en Ukraine il y avait une boutade qui disait : "Un Juif dans la famille n'est pas purement un luxe, mais aussi un moyen de transport !"
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