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Critique de Biblioroz


Jean Rabe, amer, traîne sa misère. Certains jours, même les deux sous nécessaires pour s'installer prendre un café au chaud lui manquent. Il vit d'aumône, profite de ses copains pour trouver un canapé où dormir. de temps en temps il travaille mais son manque de persévérance le replonge ensuite dans cette misère indécollable, bien vivante et tenace. Son luxe est de louer une chambre « de bas hôtel » pour une ou deux nuits et ainsi, pour quelques heures, se mettre en marge de l'existence.
L'auteur, avec des mots appropriés, donne vie et force à cette misère.

Cette nuit, Jean Rabe, le chapeau enneigé, entre dans le cabaret le Lapin Agile, sur la Butte Montmartre. Débute alors la première partie en forme de huis clos de ce roman hivernal. Frédéric, le patron, avec son pas traînant, lui offre les boissons qu'il ne peut pas se payer, une tartine de rillettes savourée par celui qui a faim. Jean profite alors d'une salle à l'image de sa misère ; un petit feu flamboie, des souris s'y promènent.
Arrive alors Michel Kraus, un peintre allemand dont les tableaux lui révèlent des scènes de crime. Ils sont bientôt rejoints par le soldat, déserteur de retour du Maroc. Chacun raconte son histoire autour de quelques tournées. C'est alors qu'arrive Nelly, elle ne ressemble pas beaucoup à Michèle Morgan choisie dans la version adaptée au cinéma : grande blonde pâle, assez gentille, une figure fripée par la misère, l'amour, l'insomnie, et des embarras gastriques causés par l'abus de la charcuterie, des oeufs durs et de l'alcool. Elle est vêtue de loques prétentieuses. Pourtant elle va devenir l'héroïne du drame. Isabel, un boucher, échappé d'une échauffourée, vient se réfugier avec eux et complète le tableau.
Au petit matin, les voici qui quittent les lieux, chacun retournant à son destin.
La seconde partie de ce roman décrira le devenir de nos quatre compères d'un soir et de Nelly bien sûr.

La neige, le froid sont omniprésents. Les descriptions sont aussi riches que les personnages sont miséreux. On perçoit la lumière, tantôt à travers une fenêtre, tantôt celle d'une bougie ou d'une lampe à essence, les ombres sont là, aussi. Les odeurs nous prennent à la gorge. On imagine sans peine l'atmosphère enfumée et emplie de vapeurs d'alcool du cabaret et celle, écoeurante, de l'abattoir dans lequel oeuvre le boucher.
Nous sommes ici dans un roman noir, les personnages sont tourmentés, l'introspection les mène au désespoir ou à la réussite.
Un peu déstabilisante la manière dont Pierre Mac Orlan décide de qui peut vivre. Il semble admirer ceux qui sont prêts à vraiment tout pour s'en sortir et cautionner les plus viles bassesses.
Je trouve un peu dommage d'avoir utilisé une image du film avec Jean Gabin (fort belle au demeurant !) en guise de couverture car l'on ne retrouve pas dans l'adaptation cinématographique grand-chose du roman hormis sa noirceur.
Bien qu'aimant habituellement les romans d'ambiance, celui-ci, malgré quelques passages très immersifs, ne me laissera pas un souvenir impérissable.
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