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Critique de boudicca


Créée début 2016 à l'initiative du Bélial, la collection Une Heure-Lumière continue son petit bonhomme de chemin en proposant au lectorat français des textes courts d'auteurs généralement étrangers et primés mais souvent méconnus du public. Autant de critères remplis par Ian R. MacLeod dont le « Poumon vert » fut récompensé en 2003 par le Prix Asimov's (en plus d'avoir été nominé pour les Prix Hugo, Sturgeon et Nebula) mais sans avoir jusqu'à présent fait l'objet d'une traduction. L'ouvrage met en scène une jeune fille de douze ans résidant sur une planète nommée Habara et forcée de quitter ses montagnes natales pour la petite ville côtière d'al Janb. Un environnement que Jalila peine dans un premier temps à appréhender avant de se laisser griser par toutes les nouveautés découvertes au fil de ses pérégrinations dans la cité. Il y a par exemple ce Kalil qu'elle prend d'abord pour une fille disgracieuse avant de se rendre compte qu'il s'agit (événement d'une rareté exceptionnelle !) d'un garçon. Et puis il y a la tariqa, vieille femme appartenant à l'Église du Portail et ayant voyagé bien au delà de la planète Habara. Enfin, il y a la belle Nayra, courtisée de toutes et pour laquelle la jeune fille entretient des sentiments confus. Trois rencontres qui vont aider ou forcer Jalila à grandir et l'accompagner dans ce glissement parfois douloureux de l'enfance à l'âge adulte.

Ian R. MacLeod fait preuve de beaucoup de sensibilité (notamment pour tout ce qui tourne ici autour de la sexualité), et pourtant je ne suis jamais vraiment parvenue à accrocher à l'histoire qui m'était contée. Non pas parce que la qualité n'était pas au rendez-vous, bien au contraire, seulement il s'agit typiquement là du genre d'univers qui me laisse complètement indifférente. La saison des fusées, les tentexplo, les vaisseaux spatiaux, la ville vivante de Gezira, les portails... : autant de concepts qui donnent davantage de corps à ces « Dix Mille et Un Mondes » mais qui, personnellement, ne me font pas rêver. C'est idiot, sans doute, et ça n'enlève rien à toutes les qualités citées par les lecteurs qui ont apprécié le roman (et auxquelles je souscris pour la majorité), mais cela n'a pas fonctionné sur moi. Malgré cette immersion compromise, d'autres aspects de l'univers de Ian R. MacLeod m'ont beaucoup plu, à commencer par les influences arabes dans lesquelles pioche allègrement l'auteur, que ce soit au niveau du paysage, du mode de vie (architecture, mode vestimentaire...) ou même de la littérature (« Les mille et une nuits »). le titre de l'ouvrage et la splendide couverture d'Aurélien Police laissaient toutefois entendre que la nature occuperait une place importante dans le récit, or j'ai là encore été un peu déçue (ce « poumon vert » était pourtant un concept intéressant !)

Parmi les bonnes idées que compte l'ouvrage, on peut citer l'originalité constituée par le contexte sociétal dans lequel évolue notre héroïne puisque, sur Habara, les femmes constituent la quasi totalité de la population. Jalila partage ainsi sa vie avec trois mères, réunies en une cellule familiale nommée « haremlek ». Si les hommes n'ont pas complètement disparus de la surface de la planète, ils demeurent relativement rares et sont bien souvent considérés comme des curiosités laides et imprévisibles pour lesquelles on éprouve au mieux de la pitié, au pire du dégoût. Cette omniprésence du féminin prend d'ailleurs une forme très concrète dans le récit puisque l'auteur a fait le choix de modifier le genre de plusieurs noms ainsi que certaines règles de grammaires pour coller au plus près aux normes de sa planète. L'humanité devient ainsi « la féminité », on ne dit pas « un » personnage mais « une », tandis que, lorsque le féminin et le masculin s'opposent dans une phrase, c'est évidemment le premier qui l'emporte. Les termes désignant un comportement ou un état d'esprit négatif sont en revanche toujours au masculin : on dit « un zéro », « un rien », « un maladroit », « un insensible »...). On se fait relativement vite à ces transformations linguistiques qui révèlent un souci de cohérence louable de la part de l'auteur qui réussi assurément son coup.

« Poumon vert » est donc un récit sensible porté par une plume astucieuse qui ne laisse pas indifférente. L'univers est quant à lui relativement riche pour un texte aussi court, même si certains aspects peuvent limiter l'immersion du lecteur peu habitué à ce genre de SF. A tenter malgré tout, d'abord pour l'attachante Jalila, ensuite pour l'originalité de l'écriture et enfin pour la fin, subtile et inattendue (et puis il y a, encore une fois, la couverture d'Aurélien Police !).
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