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Critique de Osmanthe


La promenade des envahisseurs est une curieuse oeuvre théâtrale, qui sous le prétexte d'une science-fiction un peu naïve, nous interpelle sur les maux de l'humanité, et probablement en premier lieu sur ceux qui touchent la société japonaise.

Narumi retrouve son Shinji de mari à l'hôpital, après qu'on l'eut retrouvé errant sur une plage. Son discours est surprenant, il ne sait pas trop qui il est, qui elle est, sans pour autant avoir totalement perdu certains repères…étrange ! La soeur de Narumi, Asumi, et son mari Hiroki, qui est policier le trouvent aussi un peu dérangé. Pendant ce temps sur la plage, deux amis trentenaires, Maruo le chômeur et Hasebe son ancien collègue, un peu désabusés de la vie, se demandent si la guerre va se déclencher, Maruo aimerait bien que ça pète pour faire table rase. Mais soudain ils croient voir dans le ciel un ovni. Bientôt les deux évènements vont converger, quand il se confirme que des témoignages de cet ovni ont bien été rapportés à la police, et que plusieurs dizaines de personnes dans cette petite ville côtière japonaise sont atteintes des mêmes troubles que Shinji. le journaliste Sakurai croise à l'hôpital un lycéen, Makoto Amano, qui vient rendre visite à une lycéenne hospitalisée après un accident, Akira Tachibana…lesquels vont s'avérer compléter avec Shinji le trio d'extra-terrestres venus nous visiter pour préparer une invasion future. L'incrédulité règne longtemps dans leur environnement, mais peu à peu, leur dessein est expliqué, et ses conséquences immédiates sur ceux qu'ils approchent : car s'ils ont pris la forme humaine, ils ont besoin de se promener pour rencontrer des humains et acquérir auprès d'eux des concepts qu'ils ignorent, comme l'interdiction, la famille, etc…Cette acquisition est un vol, l'humain se trouve amputé de cette connaissance et forcément un peu désorienté. Ils « épargnent » cependant le guide humain qu'il se sont choisis, par exemple Narumi pour Shinji, alors qu'il a volé un concept à sa belle-soeur Asumi.

Tomohiro Maekawa lui aussi nous désoriente, car nos personnages oscillent en permanence entre scepticisme voire rigolade et une vague inquiétude pour les humains, et un ton tantôt naïf, juvénil, familier et plus autoritaire, froid et déterminé pour les visiteurs. On ne sait pas trop comment les choses vont évoluer…Et quand l'auteur flirte avec le théâtre de l'absurde, c'est pour nous alerter sur les dangers qui menacent, et la société japonaise en premier lieu, et le monde, à commencer par le trop répandu désespoir de la jeunesse, l'information manipulée, l'absence de réelle communication entre les gens, le manque d'emploi ou des emplois inintéressants, le manque d'engagement de la population pour défendre ses droits, la démocratie, l'environnement, la tendance à chercher toujours la guerre…

Maruo, transformé, prône désormais un discours pacifiste…Et curieusement, Narumi trouve son Shinji plutôt changé en bien. Mais les trois visiteurs vont devoir repartir, ce qui implique le sacrifice, et de l'être dont ils ont pris la peau, et peut-être d'un dernier concept…l'amour. Et si ces envahisseurs étaient là pour éveiller les consciences, nous montrer les bienfaits de l'échange, de l'enrichissement que représente l'approche de l'autre alors même que les humains « amoindris » pourraient peut-être faire preuve de l'humilité indispensable pour éviter l'autodestruction ? Finalement, que deviendra l'humanité lorsque des visiteurs de l'espace, nous rendront visite ?

Un livre plaisant, qui fait réfléchir, et qui me permet, grâce au masse critique de babelio et à ces excellentes éditions espaces 34, de poursuivre l'exploration du théâtre japonais contemporain. Cette pièce écrite en 2010 a été mise en scène en 2017, a connu une version radio (France Culture), et deux adaptations au cinéma, notamment avec le film Invasion de Kiyoshi Kurosawa.
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