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Les femmes ont toujours travaillé, les femmes ont toujours lutté

« A travers ce numéro, nous ne prétendons pas explorer tout le champ féministe du syndicalisme. En plus de vingt ans, les journées intersyndicales femmes y ont largement contribué ; un article y est consacré ».

« Les femmes ont toujours travaillé, les femmes ont toujours lutté, les femmes ont toujours activement participé aux mouvements sociaux, politiques et syndicaux ; et les femmes ont régulièrement disparu des histoires retraçant tous ces moments ».

Dans l'édito, les auteurs et autrices soulignent, entre autres, la priorité à l'auto-organisation, « Celle des femmes s'impose ; les premières concernées doivent pouvoir prendre toute leur place », l'action syndicale contre les violences sexuelles et sexistes, la nécessité de ne pas rester confiné·es dans les frontières étatiques, la place du droit à l'avortement libre et gratuit, les dimensions culturelles, l'interpellation de toustes les syndicalistes, « Mais qui peut mieux en parler que les femmes syndicalistes ? »…

« L'irruption du mouvement de libération des femmes, dans les années 1970, est fondamentale dans l'évolution de la société à cette période. Il est souvent porté et représenté par des femmes qui sont, en partie, extérieures au monde salarial. Mais ce mouvement fera apparaître comme sujet politique central l'oppression des femmes, avec ses différentes conséquences, que ce soit dans la sphère domestique ou dans la sphère du travail, posant ainsi la question du lien entre ces deux sphères. Il a fallu attendre le mouvement des femmes des années 70 pour que la question de l'émancipation des femmes, de leurs revendications spécifiques, et donc de l'oppression particulière des femmes, soit posée dans le mouvement syndical. Ce mouvement, d'abord porté par des intellectuelles, va s'élargir dans la société et interpeller le syndicalisme pour deux raisons essentielles ». Dans un premier texte, « Féminisme et syndicalisme. Je t'aime, moi non plus… », Annick Coupé souligne, entre autres, les luttes menées par les femmes dans les entreprises, la lutte pour le droit à l'avortement, les conférences syndicales femmes et les plateformes revendicatives spécifiques, la confrontation entre le mouvement syndical et le mouvement des femmes, « Mais il y a quand même rencontre et cela a contribué, durant cette période, à un début de prise en charge par le mouvement syndical de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Ces mobilisations, cette prise de conscience ont imposé, en France, un certain nombre de textes législatifs concernant directement les droits des femmes, dont l'avortement, le viol et les violences et l'égalité professionnelle »…

Je souligne le traitement des réunions non-mixtes, le privé est politique, ce que la domination masculine « induit comme construction sociale dans tous les aspects de la vie des femmes », l'organisation des dominées pour « en faire un enjeu collectif dans une perspective de transformation sociale », l'articulation des lieux non-mixtes et des lieux mixtes dans le syndicalisme, « Les espaces non mixtes sont des outils utiles pour se donner de la force collective et construire le rapport de forces en faveur des femmes, dans les structures de l'organisation », le fonctionnement et la pratique syndicale, l'importance des espaces « où les femmes se sentent légitimes »…

Le texte se termine sur l'enjeu féministe pour Solidaires, « donner une visibilité et une légitimité politique à la prise en charge de ces combats par Solidaires et au travail de la commission femmes »…

Je n'aborde que certains articles et certaines analyses. Je laisse de coté les orientations syndicales spécifiques, les choix d'intervention concrète ou de structuration particulière.

Il me semble significatif que le second article concerne les femmes zapatistes. Je souligne donc le choix de faire place aux combats des femmes au niveau international, d'ouvrir les débats avec des chercheuses, de laisser la parole à des groupes de féministes, de prendre en compte les nombreuses dimensions du féminisme et de ne pas en rester à une vision étroite des revendications des salariées…

Sommaire

Femmes zapatistes, luttes, rencontres et non-mixité / Cybèle David

Travail invisible, grèves invisibilisées ? / Elisabeth Claude, avec la participation de Nicole Savey

Le syndicalisme et sa dette historique avec la lutte des femmes / Nara Cladera

Les femmes ont toujours travaillé / Fanny Gallot

Des journées en intersyndicales femmes / Cécile Gondard Lalanne

Biscaye : une victoire syndicale et féministe / Leire Txakartegi Iramategi

Belgique : d'un 8 mars à l'autre / Claude Lambrechts

L'assemblée féministe toutes en grève à Toulouse / Julie Ferrua

Un réseau de femmes migrantes à Rome / Cybèle David, Camille Saugon, avec Lizet Aguilar

Laisser la place aux premières concernées / Manel Ben Boubaker

Sortir de l'invisibilité des travailleuses dans la crise du covid 19… Et après / Corinne Mélis

Ni les femmes ni la terre ! / Lucie Assemat

Avortement : un droit fondamental, toujours à défendre ! / Cybèle David, Cécile Gondard Lalanne, Murielle Guilbert et Corinne Mélis

Women on waves / Laetitia Zenevich

Agir contre les violences sexistes et sexuelles au sein des organisations / Cécile Gondard Lalanne, Murielle Guilbert, Corinne Mélis

L'action syndicale à l'OIT : pour une convention contre les violences / Sophie Binet

Retraites : genrer le débat revendicatif / Verveine Angeli

Pas de violences conjugales sur les femmes âgées ? / Anne Bennot-Millant

Les listes électorales et la mixité / Murielle Guilbert

Cantamos sin miedo / Mylène Colombani

Les expériences sociales et politiques – dont la place institutionnelle prise par les femmes – ont beaucoup à nous apprendre. Dans des contextes difficiles, l'auto-organisation et une gestion démocratisée permettent de changer l'ordre des relations sociales. Les femmes zapatistes, entre organisation familiale communautaire et espaces non-mixtes, « Nous pensons que nous devions nous retrouver entre femmes pour pouvoir parler, écouter, faire la fête, sans le regard des hommes ; peu importe que ce soient des hommes bons ou des hommes mauvais », les résistances d'hommes, la construction d'un système éducatif, la conquête par soi-même (individuelle et collective) de la liberté en tant que femmes, une rencontre internationale de femmes qui luttent, la confiance et la libération de la parole, « Les femmes zapatistes parviennent ainsi à agir efficacement contre les violences faites aux femmes sur leur territoire, dans un pays laminé par les féminicides et le violences »…

Si les femmes ont « toujours » travaillé (travail domestique non payé et travail salarié mal payé), leur travail a souvent été nié et leurs luttes invisibilisées, « Après la seconde guerre mondiale, les Françaises devenues citoyennes sont d'abord incitées à rester à la maison ; on les efface même des statistiques, en ne comptabilisant plus comme actives quand elles participent à la bonne marche des fermes, mais en les assignant au statut de femme aux foyer, dites inactives. Il faut cependant noter qu'elles représentent, quand même, environ 35% de la population active ! » (En complément possible, Margaret Maruani et Monique Meron : Un siècle de travail des femmes en France 1901-2011), les salariées ont participé à de multiples mouvements de grève et les ouvrières ont été à la pointe de combats revendicatifs. le syndicalisme des femmes – quelque fois malgré l'opposition des syndicalistes hommes – ne saurait être négligé. Les revendications combinent amélioration des conditions de travail et reconnaissance des qualifications (qui ne sont jamais innées mais toujours acquises). Sans oublier qu'il faut nommer travail ce qui invisibilisé, parce qu'effectué par les femmes au bénéfices d'autres personnes, il n'y a pas gène de la vaisselle, du repassage ou du soin. « Nous portons l'utopie de changer les rapports sociaux pour construire une humanité solidaire et égalitaire »…

Fanny Gallot revient « sur la persistance de l'affirmation erronée selon laquelle les femmes ne sont entrées que récemment sur le marché du travail » (il faudrait ajouter la rengaine sur les femmes blanches ne pouvant travailler que parce que d'autre femmes – racisées – font leur travail domestique, dans l'oubli par ailleurs de l'auto-dispense des hommes de ce travail). Elle parle de l'ampleur et de la diversité du travail féminin, des reconfigurations de la division sexuée du travail, de la réputation de frivolité qui pesaient sur les ouvrières, du travail domestique et de la double journée de travail, des compétences naturalisées et de la déqualification de fait des femmes, de l'articulation division sexuée du travail et division raciale du travail, de la revendication fondamentale de dignité…

Un article est consacré aux journées en intersyndicales femmes. Je me contente de rappeler quelques articles : Intersyndicales femmes : disponibles sur le blog entreleslignesentrelesmots

CGT, FSU, Solidaires : Journées intersyndicales femmes, formation-débat des 29 et 30 mars 2018
Coordination : Évelyne Bechtold-Rognon, Nina Charlier, Annick Coupé, Élodie De Coster, Sigrid Gérardin, Cécile Gondard-Lalanne, Clémence Helfer : Toutes à y gagner. Vingt ans de féminisme intersyndical
Leire Txakartegi : Résidences de Biscaye : victoire syndicale et féministe
Eléni Varikas :Flora Tristan et l'Union ouvrière
Nicole Mosconi : Rapport aux savoirs et égalité des sexes
Annie Dussuet : le travail domestique : des logiques prégnantes pour les femmes
Intervention d'Odile Fillod aux Journées intersyndicales femmes 2017

Leire Txakartegi revient sur la victoire syndicale et féministe des salariées des maisons de retraite de Biscaye (voir aussi son intervention lors des journées intersyndicales, déjà cité). Je n'en reproduit que la fin : « Autonomisées, fières et satisfaites, les grévistes démontrent à leurs collègues que se mobiliser vaut la peine ; que leur combat est devenu un exemple pour tous les autres secteurs, pas seulement les secteurs féminisés et précaires ; et que la signature d'un accord satisfaisant tient aussi à la syndicalisation, à l'organisation et aux outils syndicaux permettant d'aller au conflit et de le tenir »…

Le 8 mars, le manifeste et l'appel à une grève des femmes en Belgique le 8 mars 2019, « Si les femmes s'arrêtent, le monde s'arrête ».
L'assemblée féministe « Toutes en grève à Toulouse » est un exemple d'auto-organisation féministe. Julia Ferrua souligne, entre autres, le centrage « sur ce qui nous unit, plutôt que sur nos désaccords », les réseaux et les associations, le fonctionnement de « Toutes en grève » (une assemblée d'individues, une assemblée la plus démocratique et horizontale possible, permettre à toutes d'avoir un cadre où s'investir même partiellement, devenir une assemblée féministe permanente), les espaces bienveillants et sécurisants pour toutes, l'auto-organisation, l'absence de rapport de hiérarchie, les liens avec les organisations constituées, la lutte contre les féminicides et les violences faites aux femmes, l'analyse de la crise et du confinement « en chaussant les lunettes de genre », le manifeste du 8 mars dont « La grève féministe est un outil unique », « Toutes en grève, avec chacune nos spécificités et unies dans la sororité, en refusant d'être catégorisées », « Nous luttons ensemble contre toutes les violences qui nous transpercent », « Notre mouvement catalyse des énergies collectives et émancipatrices », « La révolution sera féministe, ou ne sera pas ! »…

Les articles non abordés ne sont pas moins intéressants. le blog reste ouvert à celles qui voudraient plus précisément présenter d'autres articles.

Un numéro de très grande qualité, l'apport indispensable de syndicalistes féministes.


Lien : https://entreleslignesentrel..
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