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Critique de berni_29


Sauvage a été pour moi un gros coup de coeur, dans cette double rencontre, avec l'auteure Jamey Bradbury pour son premier roman, et avec le personnage principal Tracy adolescente de dix-sept ans. C'est un roman publié aux éditions Gallmeister, qui savent si souvent nous révéler de belles pépites.
Nous sommes en Alaska, nous découvrons ici le milieu du mushing, c'est-à-dire les courses en traîneau avec plusieurs chiens et parfois se déroulant sur plusieurs jours.
La narratrice, Tracy, nous fait découvrir son univers insolite, parfois onirique. Tracy vit avec son père Bill et son frère Scott, ce dernier est solitaire, silencieux et taciturne, son univers est fait de livres et d'une passion pour la photographie. Il s'entend peu avec Tracy. Le père est musher et transmet peu à peu son amour des courses en traîneau à sa fille unique. D'ailleurs, une quarantaine de chiens de traîneau peuple leur habitat en pleine campagne de l'Alaska, la famille se préparant pour la grande course annuelle de l'Iditarod.
Lorsque j'ai fait la rencontre de cette fameuse Tracy, je me suis dit, dès les premières pages, que je la connaissais déjà. Elle ressemblait étrangement à d'autres jeunes filles du même âge que j'avais déjà côtoyées en d'autres livres, ne serait-ce que Dans la forêt ou My Absolute Darling. Ainsi je me suis souvenu de ces personnages Nell et Eva, et aussi de Turtle... Il y avait comme un air de famille...
Ce sont toujours des jeunes filles secrètes et tourmentées, bousculées, parfois de manière violente, mais qui survivent dans une nature sauvage et hostile...
Comment vous parler de l'histoire ? Elle est singulière et inquiétante, présentant à certains moments une once de fantastique. La nature très présente y est un personnage à part entière.
La narratrice nous invite à découvrir l'intimité troublante de sa personne, au fil des pages elle se penche et questionne comme des respirations sa nature secrète et profonde. Dans ce voyage intérieur, elle convoque souvent sa mère. Celle-ci est décédée accidentellement il y a deux ans, fauchée par une voiture, elle était partie un soir comme tant d'autres fois marcher dans la nuit noire au bord de la route.
Tracy a une obsession pour le sang et les couteaux. Peut-être que cela lui vient de sa mère.
Le souvenir de sa mère, qui la nuit partait avec son manteau rouge flottant dans le noir, lui revient sans arrêt comme un écho insatiable.
La nature est presque un personnage à part entière de ce livre. J'ai aimé ces pages qui évoquent des paysages grandioses et magnifiques.
Des arbres emmitouflés de givre, les bois silencieux écrasés de silence. La terre brusquement tangue, craque, s'effondre sous le blizzard qui arrive sans prévenir. Il y a l'émerveillement devant ces espaces sauvages faits de montagnes, de rivières, de forêts et de vallées., façonnée par la neige à perte de vue qui recouvre l'espace infini. Ce sont des kilomètres de terres impossibles à connaître. C'est comme un vertige brutal.
Et brusquement il y a le sentiment que l'on peut arpenter ce territoire de part en part toute une vie sans jamais en voir le bout, comme seuls les élans et les ours savent peut-être le faire.
Alors il y a quelque chose d'animal et de sauvage qui s'éveille dans le récit et ce ne sont plus les bêtes ni la forêt qui y sont pour quelque chose.
Un esprit de liberté souffle sur ce livre et j'ai trouvé cela merveilleux, puissant.
Tracy joue avec cette nature comme dans une complicité farouche et brutale. Elle relève des pièges, capture des écureuils, des hermines, des martes qu'elle achève en les égorgeant, non pas par plaisir, mais comme s'il fallait survivre. Elle a le couteau facile et une obsession du sang qui revient comme quelque chose de vital.
Son côté chasseuse, elle l'a hérité de sa mère.
Elle a aussi un rapport incroyable avec les chiens comme si elle savait lire dans leurs pensées.
Mais brusquement des événements insolites vont venir bousculer ce voyage intérieur. Des rencontres fortuites, violentes...
Les personnages ressemblent parfois à des animaux, se mouvant comme des oiseaux, ou comme des proies traquées.
C'est un livre empli de secrets et sans doute que la mère en a emporté plus d'un lorsqu'elle est partie ce soir-là marcher le long de la route.
Des secrets et des mensonges. C'est comme si Tracy ne savait pas vivre autrement, ou qu'on ne lui avait pas appris à vivre autrement...
Parfois elle reconnaît que les secrets permettent aussi de ne pas faire de mal aux personnes que l'on aime.
Un secret plus fort qu'un autre va alors porter le livre. La forêt devient peu à peu un lieu de résignation.
On se demande où va l'histoire, on est pris à la gorge, on retient son souffle dans le silence blanc et étouffant qui nous entoure. Le climat est lourd, oppressant d'angoisse. Et brusquement tout finit par s'emboîter.
J'ai trouvé le personnage de Tracy fascinant, déroutant, quelque chose de chamanique la fait se dresser au milieu des pages, on pourrait en être presque révulsé à certains moments, mais elle m'a pris par la main et je l'ai suivie dans le dédale de son histoire, comme si j'étais entré dans son champ magnétique, emporté dans ce vertige et ne pouvant plus faire marche arrière.
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