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Critique de Malaura


Née dans le Kazakhstan, pays de l'Est miséreux où les jeunes gens ont peu d'espoir d'un "avenir radieux", le destin de Ruslana Khorshunova débute comme un conte de fée.
Repérée par une célèbre agence de mode londonienne, elle devient, dès 16 ans, un top model que les grands noms de la haute couture s'arrachent.
Du jour au lendemain, sa longue chevelure auréolant son beau visage et sa plastique de rêve s'affichent à la une des plus grands magazines.
Convoitée, sollicitée, encensée, par les créateurs, par les photographes, par tout ce que l'univers de la mode compte de promoteurs du style et de concepteurs de tendance, Ruslana vit sa vie comme un songe, dans un tourbillon enivrant d'or et de paillettes, d'argent coulant à flot et de bulles de champagne.

Mais au bout de quelques années, toujours entre deux vols, entre deux hôtels, entre deux pays dont elle ne voit que les décors photographiques où, docile, elle doit prendre la pose, Ruslana saisit dans toute sa cruauté la transparence de son être et le dérisoire de sa vie solitaire vouée à attendre le shoot du photographe.
De palaces en tours du monde et de podiums en défilés, la petite princesse kazakhe s'étiole, se sent seule, se perd, dérape.
Drogue, alcool, sexe, la maintiennent un temps dans l'extase factice des paradis artificiels pour la projeter impitoyablement dans les affres de la dépression, du doute et des idées noires.
Le 28 juin 2008, Ruslana, fragile et désemparée, si douloureusement seule, ouvre la fenêtre de son appartement new-yorkais, regarde une dernière fois le ciel bleu et se jette dans le vide. Elle allait fêter ses 21 ans.

Dans la géniale série "Ceci n'est pas un fait divers" des éditions Grasset, Géraldine Maillet, ex-mannequin devenue écrivain, délaisse la littérature de poulettes qui a fait son succès, mais continue de parler d'un monde qu'elle connaît bien, celui de la mode, cet univers factice peuplé d'égocentriques ridicules de snobisme et de manies.
Et loin d'alimenter le rêve de gloire et de paillettes de toutes les « Cendrillon » modernes, elle s'ingénie à montrer, en toute objectivité, ce que peut être le revers de la médaille pour des âmes juvéniles propulsées trop vite et sans garde-fous sous les lumières des projecteurs, un envers du décor qui passe par le destin tragique et hélas véridique de Ruslana Khorshunov, jeune beauté jetée trop tôt dans la cage aux lions.
Dans ce microcosme « so trendy » de strass et de dollars, photographes adulés et couturiers déifiés font et défont la mode au gré de leurs caprices, règnent en despote sur l'immense vivier de très jeunes filles qu'ils soumettent aux diktats du kilo de trop.
Arrachée à un environnement pauvre mais aimant, Ruslana paiera au prix fort son rêve d'argent facile et d'eldorado occidental.
Le sentiment de solitude qui l'accable aura raison de son ambition…

Avec une écriture très actuelle et un ton neuf, très contemporain, Géraldine Maillet s'attèle à un sujet pénible, grave et sensible par lequel elle révèle un joli talent d'écrivain.
Avec une belle empathie, elle nous offre un moment de lecture émouvant en s'attardant sur la psychologie extrême de Ruslana qui nous apparaît alors dans toute la fragilité de son jeune âge et de son innocence perdue.
Il est toutefois dommage que les personnages, coulés dans le même moule, se ressemblent trop et semblent animés par le même esprit (même sens de répartie et de dérision, même façon de se comporter) ; Géraldine Maillet n'aurait pas failli, bien au contraire, en les nuançant davantage..
« le monde à ses pieds » reste malgré tout un livre fort et tragique, dévoilant les dessous d'un monde qui suscite autant de rêves que de désirs mais se révèle bien superficiel, d'une indigence crasse et au final totalement écoeurant.
Un roman biographique qui serre doublement le coeur quand on va contempler le beau visage triste de Ruslana sur You Tube.
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