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Critique de clairejeanne


Moins connu que "Pélagie-la-charette", premier prix Goncourt (1979) attribué à un écrivain non européen et qui racontait l'histoire d'une veuve, acadienne, qui décide, après avoir été déportée - comme beaucoup d'acadiens en 1775 et être devenue "esclave" en Géorgie (USA) - de retourner sur sa terre natale, le roman précédent de cette auteure hors norme "Les cordes de bois" est une ode magnifique à ce peuple de gens courageux, à leurs terres en bord de mer, au climat qui secoue et peut tuer, et à leur langage savoureux.

Premières phrases : " Si les filles du barbier savaient qu'elles furent à deux doigts de naître aux Cordes-de-Bois, au début du siècle, d'une garce appelée la Piroune, ou de la Bessoune, sa fille, elles chanteraient moins haut les vêpres. Et pourquoi pas ? Elles n'auraient pas pu naître aux Cordes-de-Bois, les filles du barbier, si le grand-père Guillaume, au lieu de s'en aller prendre femme à la Barre-de-Cocagne, avait louché du côté des Mercenaire, hein ?
Nous sommes tous, au pays, à deux doigts d'un mercenaire, d'un pirate, d'un matelot étranger échoué sur nos côtes un dimanche matin, entre la mer qui gagne et la mer qui perd. C'est si petit, le pays. Et des côtes, c'est si instable."

Dans ce roman passionnant, la narratrice, très intéressée à l'histoire des terres et des familles d'un village côtier du Nouveau Brunswick, essaie de " débrouiller les fils d'une histoire nouée par tant de mépris, haine, colère et chicanes épiques entre deux clans d'un même pays" depuis des générations...

Nous sommes dans les années 1930, et ce village acadien situé au bord de l'océan, est divisé en quartiers qui sont autant de clans : la Forge, les Cordes-de-Bois, le Pont... et habité de personnages hauts en couleur comme Ma-tante-la-Veuve, la Bessoune (des Cordes-de-Bois) qui fricotte avec les marins de passage, Pierre à Tom qui raconte quand il a envie et ce qu'il a envie, mais aussi Peigne, Zelica, Patience, Barbe-la-Défunte... Pas de nom de famille à l'époque : le fils de "Jérôme à Tilmon à Mélas à Jude", tout le monde sait de qui il s'agit...

Les Cordes-de-Bois, la butte qui domine le village et où habitent la famille Mercenaire, la Bessoune et sa mère la Piroune, abritent plutôt les clochards et les hors-la-loi ; c'est un lieu de fête et d'insouciance malgré la pauvreté qui y règne. La tribu de Ma-Tante-la-Veuve, les filles du barbier, sont plus aisées, mieux élevés, vont à la messe et représentent la bienpensance... et pourtant...

Comme dans tous les livres et pièces de théâtre d'Antonine Maillet, le thème des injustices sociales, des "bonnes gens" d'un côté et des "pauvres" de l'autre est fortement présent ; le curé, qui fait tonner son sermon depuis le haut de la chaire et son vicaire "de l'étoffe d'évêque" ne sont pas épargnés par l'esprit caustique de l'auteure ! Mais finalement, qui recupérera au marché de la paroisse, les vieux et les éclopés ?

L'écriture est sensationnelle, c'est le vocabulaire et l'humour qui font tout le sel de l'histoire ; quelques exemples ces ennemis qui se lancent des cailloux, s'appellent des noms, se grattent les nerfs... ; la Bessoune, et avant elle il y avait eu la Piroune, sa mère. Toutes de la race des crassoux, sargailloux et dévergondées... ; par rapport qu'ils étiont poursuivis dans les bois pis le long des côtes, ils aviont point le temps, nos aïeux, de ben équarrir leurs châssis de cabanes ni de planter ben droites leurs piquets de bouchures.

Une fresque constituée de plein d'histoires de vies pas faciles mais présentées de façon rigolote ; un excellent moment de lecture !
Lien : https://www.les2bouquineuses..
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