AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de michfred


Les voies du confinement sont impénétrables.

Sur mon téléphone  portable- ce coeur battant technologique du confiné/ de la confinée,   son poumon d'acier, sa chloroquine- au milieu des inévitables alertes au virus.. téléphonique qui va vous infecter plus durement que le coronavirus,  des fausses infos médicales qui vous conseillent le thé chaud et trois gouttes de tea tree sur le poignet gauche pour antidote souverain, des petits films rigolos, oeuvres de joyeux génies qui ont le chic pour vous faire rire en pleine panique, et de quelques nouvelles personnelles qui chassent à  grands coups de balai toute cette agitation pour vous ramener à l'essentiel: les enfants, les amis, les petits enfants, comment vont-ils?-  je disais donc qu'au milieu de tout cela,  j'ai reçu d'un ami, fin lettré et polyglotte, un petit film où un intellectuel italien, confiné dans un beau bureau avec piano, bibliothèque et toile de maître,  vantait à ses compatriotes durement éprouvés  les mérites d'un livre français, Voyage à l'intérieur de ma chambre de Xavier de Maistre, auteur du XVIII e que je ne connaissais que de nom.

 Présentation subtile, intelligente, alléchante d'un livre qui ne semblait pas être sans relation avec notre situation actuelle .

Je n'ai fait ni une ni deux, et l'ai aussitôt téléchargé pour une somme très modique sur ma liseuse afin d'épargner à mon gentil facteur une sortie dangereuse et de vous livrer au plus tôt le fruit de ma découverte.

 Mission accomplie!

L'auteur, Xavier de Maistre, jeune et fougueux duelliste, s'est vu condamné à un enfermement de quarante deux jours  après être allé sur le Pré vider une querelle galante. le voilà  consigné,  mis litteralement "en quarantaine",  en compagnie , il est vrai, de son domestique Gianotti et de sa tendre chienne, Rosine. Et dans sa propre chambre.  Il entreprend de nous faire partager ce voyage immobile.

42 jours, 42 chapitres. Drôles,  courts, piquants, enlevés, pleins d'une auto dérision de bon aloi, mais aussi graves, curieux, inventifs, philosophiques.

Un pur régal d'esprit, une  légèreté profonde, une sagesse ironique, une plume alerte, déliée, qui a tous les charmes vifs et directs de cette belle langue du XVIIIe qui savait si bien penser sans peser, dire sans bâcler, égratigner sans blesser,  folâtrer sans choquer.

De Maistre parle de tout avec un même bonheur: de sa petite chienne si inconditionnellement aimante,  de la condition ingrate  de ceux qui le servent, des pauvres qui n'ont pas de chambre, eux,  et dont la "liberté " est d'être  à la rue, de ses livres de chevet cent fois relus et de ses peintres favoris, de sa robe de chambre, d'un ami très cher et disparu, d'une maitresse coquette et cruelle, et surtout  de l'étrange duo qui cohabite dans son être: l'âme et ce qu'il appelle  la bête -  cet"autre" qui a plus souvent son mot à dire que l'âme hautaine et philosophe ne le voudrait, et qui le dit parfois si crûment qu'il faut bien l'écouter. ..

Jamais sentencieux ou moralisateur, toujours juste et doucement ironique, ce Voyage à l'intérieur de ma chambre est un joli préambule,  programmatique d' un confinement profitable et réussi.

Je vous le recommande chaudement!
Commenter  J’apprécie          878



Ont apprécié cette critique (68)voir plus




{* *}