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Critique de fanfanouche24


Achat à la Librairie " Les Mots et les choses - Nord"- Boulogne - Billancourt- 1er septembre 2023

Une pépite d'émotions et de style...Un gros , gros coup de coeur.

Déjà plus d'un mois que j'ai achevé ce roman magnifique qui nous conte l'histoire d'un écrivain russe dissident , Choutov, vivant et écrivant en France.On fait sa connaissance dans un moment houleux où sa jeune compagne le quitte assez brutalement pour un amoureux plus jeune.
Tourneboulé, perdu et abattu, il décide de retrouver un moment son pays, pour y voir plus clair et en rêvant d'une femme qui a été son grand amour, 30 années plus tôt...
Il retrouvera sa Russie, mais combien transformée et méconnaissable comme cette femme tant aimée, jadis, et elle-même devenue une " bourgeoise" insipide, capitaliste sans vergogne, à qui il n'a plus grand chose à dire...

"Dans l'avion, pour la première fois de sa vie, il a l'impression d'aller de nulle part vers nulle part, ou plutôt de voyager sans destination véritable. Et pourtant, jamais encore il n'a aussi intensément ressenti son appartenance à une terre natale. Sauf que cette patrie coïncide non pas avec un territoire mais avec une époque.Celle de Volski.Cette monstrueuse époque soviétique qui fut le seul temps que Choutov a vécu en Russie.Oui, monstrueuse, honnie, meurtrière et durant laquelle, chaque jour, un homme levait son regard vers le ciel."

Choutov retrouve donc cette femme tant aimée ; cette dernière est devenue une femme d'affaires, très pragmatique et gérant au mieux son confort et celle de son fils avec qui elle vit. Lorsque Choutov la retrouve, elle a finalement peu de temps à lui consacrer, elle le reçoit dans son grand appartement en travaux, logement anciennement " communautaire " qu'elle est en train de transformer "luxueusement " ...

Reste encore un " détail désagréable et dérangeant " pour elle: dans une des pièces , un vieux monsieur mutique , Volski, le dernier locataire du lieu, doit être transféré incessamment dans une maison de retraite et enfin " débarrasser le plancher"...

Il est là, le pauvre, comme un colis embarassant...pour la nouvelle propriétaire !!

On n'a plus entendu le son de sa voix depuis bien longtemps...un peu de compassion et de présence de Choutov auprès du vieil homme, à qui on a demandé de " jeter un oeil" sur ce locataire indésirable, et d'un seul coup, ce vieux monsieur, seul au monde va se remettre à parler pour raconter en un temps très bref toute sa vie, effroyable et fracassée par le régime stalinien, la mort de la femme qu'il adorait par dessus tout, Mila...le siège effroyable de Leningrad pendant la seconde guerre mondiale....

Cependant cet homme reste , dans son récit tragique, vaillant, droit, debout et digne...La force incommensurable donné par son Amour...pour Mila, illumine, transfigure toute la noirceur de ce qu'il a, de ce qu'ils ont vécu !

On ne peut peut être qu'emporté par l'émotion de ces deux vies exemplaires, résistantes, de cet homme qui n'oubliera jamais la femme qu'il aimait; "son Soleil" violemment disparue...alors le reste, cette Russie nouvelle, affairisre, consumériste, abandonnant certaines valeurs essentielles , l'ancien grand amour de Choutov, devenue mercantile à souhait, pèsent peu dans la balance, tant, tout cela est médiocre " petit" comparé à ce vieux Monsieur riche de son amour tragique et de ses combats " titanesques" pour rester debout...., fidèle à ses convictions.

Hommages nombreux à l'Art, au théâtre, à la Littérature rendant " grandeur" , lumière aux Hommes, dans leurs " ténèbres " et leurs errements...!

"Maintenant, Choutov s'en souvient. Dans sa jeunesse, il a entendu ce nom de " Volski". Il y a trente ans.Des articles qui parlaient d'un enseignant capable de faire revivre, grâce au théâtre, les enfants handicapés et jeunes à la dérive. Pour les journalistes, au temps de la censure, ce genre de sujets était l'unique terrain de liberté : un original qui refuse les honneurs et une belle carrière, c'est déjà une discrète révolte contre le béton massif du régime..."

Un très, très beau livre, qui prend aux tripes !

"Ce bonheur rendait dérisoire le désir des hommes de dominer, de tuer, de posséder, pensa Volski.Car ni Mila ni lui-même ne possédaient rien.Leur joie était faite de choses qu'on ne possède pas, de ce que les autres avaient abandonné ou dédaigné .
Mais surtout, ce couchant, cette odeur d'écorce tiède, ces nuages au- dessus des jeunes arbres du cimetière, cela appartenait à tout le monde".

Je ne peux résister à un dernier extrait louant le réconfort de la Poésie, de l'Art dans l'adversité :

"Tu sais, Vlad, autrefois, enfin quand j'étais jeune, on éditait pas mal de Poètes. Les tirages n'étaient pas énormes mais il y avait...comment dire ?...Oui, une vraie ferveur chez nous qui lisions ces livres imprimés sur un papier souvent très médiocre. La poésie c'était notre Bible à nous...
- Ouais, je vois de quel genre de bouquins vous parlez, les vieux appellent cela, avec un soupir, " la grande littérature ". "











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