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Critique de Renod


J'ai particulièrement apprécié "La vie d'un homme inconnu", roman d'Andreï Makine publié en 2009. Il y est question de la vie, de l'amour, thèmes maintes fois rabâchés. le récit débute par une histoire assez banale... Mais attention : le roman ne se livre que dans les derniers chapitres.

Choutov, un écrivain d'origine russe, se morfond dans son appartement de Ménilmontant. Sa jeune compagne l'a quitté et passera le lendemain récupérer ses dernières affaires. Il se remémore une nouvelle de Tchekov sur l'amour innocent de deux êtres, récit qui fait écho à un amour de jeunesse, vieux de trente ans. Pour fuir la visite de son ex concubine et pour revenir à la source de ce premier amour, il décide de partir au plus vite à Saint-Pétersbourg.
Choutov trouve une Russie en pleine mutation et une ville en pleine fête du tricentenaire de sa fondation. Plongé dans l'effervescence du carnaval et écoeuré par le triste spectacle offert par les chaînes de télévision, il se sent rapidement dépassé. Il ne se reconnaît pas dans cette nouvelle génération de Russes aux mentalités radicalement converties au consumérisme.
Hébergé dans un logement communautaire, il doit veiller pour une nuit sur un nonagénaire qui quittera sa chambre le lendemain pour un asile. le vieil homme va lui faire le récit de sa vie : le blocus de Léningrad, la Grande Guerre Patriotique, le Goulag, son travail dans les orphelinats et enfin, sa retraite dans cette chambre de Kommunalka. Ce destin, tout à la fois exceptionnel et ordinaire, a été traversé par un amour infaillible pour Mila, qu'il a continué à aimer malgré toutes les terribles épreuves vécues pendant ces années. Cet homme, Volski, décédera peu après dans un asile de banlieue, tombe anonyme parmi tant d'autres.

Ce voyage raté et cette rencontre ont changé Choutov. Il relit la nouvelle de Tchekov et en retrouve le sens, qui lui avait échappé. le jeune-homme du récit ne déclarait pas spontanément sa flamme, il plaisantait. D'ailleurs la nouvelle est intitulée "Choutotchka", plaisanterie en russe, mot qui a la même racine que le nom du héros, Choutov... Il comprend que "les seuls mots dignes d'être écrits surgissent quand la parole est impossible". Il porte un regard froid sur sa relation avec Léa : beaucoup de mots vains pour ce qui n'était en fin de compte qu'une plaisanterie. L'amour véritable, c'est celui qui unissait ces deux êtres écrasés par l'histoire, cet homme et cette femme qui s'étaient promis de lever les yeux au ciel pour s'unir l'un à l'autre par la pensée. Choutov comprend aussi qu'il restera un étranger en son propre pays, sa véritable patrie n'est pas un territoire, c'est une époque révolue. Il retourne quelques mois plus tard en Russie et fait poser une stèle sur la tombe de Volski. Il sait qu'il se doit d'écrire sur ces inconnus qui s'aimaient et dont la parole est restée muette.

Le roman débute par le récit d'une séparation germanopratine, s'envole dans vers un carnaval pétersbourgeois, traverse l'histoire de l'Union Soviétique et trouve enfin tout sa signification dans les derniers chapitres. le roman a de nombreuses qualités : un style travaillé, un roman agréable à lire et du sens.
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