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Critique de le_Bison


Assis sur un rocher, le regard mélancolique, l'homme regarde pensivement la vue qui se porte à son horizon. de dos, le torse nu sous le soleil austral, il écoute cette douce mélodie proposée par quelques oiseaux venus s'échouer sur ses côtes, dans la mire de ses jumelles. Fasciné, il les observe : bécasseaux maubèches, chevaliers aboyeurs solitaires, chevaliers sylvains des Balkans, courlis de Sibérie, courlis corlieux, pluviers argentés, et encore bécassines du Japon, martinets de Sibérie. Il les identifie tous, il les croque, il les inscrit dans son calepin, un travail de patience et de silence. D'ailleurs, l'amour n'est que patience et silence. Il semble leur parler avec douceur, d'une voix faible teintée de tristesse et d'abandon, l'homme qui murmurait aux oreilles des oiseaux, fasciné par cette huppe fasciée venue se poser devant le silence de sa vie.

Mais alors que son silence s'agrandit sur l'immensité de la poussière australienne, déposée par un soleil brûlant, de l'autre côté de la planète, brûlent d'autres vies. La Grande Guerre. Après la bataille de Gallipoli, une vague australienne se déverse sur les flots méditerranéens, de jeunes recrues venues s'engager à l'autre bout du monde, délaissant leur planche de surf. Les oiseaux attendront, ils auront la patience d'une guerre. D'ailleurs, d'autres oiseaux naviguent au-dessus de ces flots, et une autre poésie se dévoile sous nos yeux. Armentières, loin de ses terres. Des corps déchiquetés, des cadavres qui se fondent dans la boue, la puanteur des tranchées, des rats qui courent, des rats qui croquent des bouts de chairs. le roman bascule vers l'horreur, remarque c'est la guerre donc normal. Quand le soleil se couche sur l'Australie, que les oiseaux font un dernier envol, la brume se lève au-dessus de la boue française et des corps prennent eux-aussi leur dernier envol sous le fracassement des bombes.

Étonnant roman, à la fois magnifique et cruel, un instant de poésie qui se pose en pleine guerre, le charme des oiseaux sur la première partie, leurs silences, leur beauté, et puis subitement la bascule vers l'autre terre, celle du fracas, de l'apocalypse, là où une odeur de chair en putréfaction te prend à la gorge, là où le hennissement des chevaux sous les flammes te brûlent les tympans, là où gisent devant ton regard les cadavres de ta compagnie, des bouts d'hommes, un bras, une jambe, une tête brûlée. L'horreur dans toute son (in)humanité. de la fumée qui s'élève dans le ciel, des coups de tonnerre à moins que cela soit ceux des obus, pourtant les oiseaux sont toujours là ; imperturbable, ils continuent leur migration ; patients, ils attendent la fin de cette boucherie, de cette guerre, de ces odeurs de mort.
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