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Critique de encoredunoir


Les éditions Asphalte continuent avec La ballade des misérables leur exploration du monde urbain et de ses marges. Ici, il s'agit essentiellement du Poblao, quartier gitan délabré de Madrid, bidonville poussant entre les tas d'ordures et les projets immobiliers à l'abandon. En ces lieux animés d'une vie propre au-delà de celle de ses habitants – faisant presque écho au passage au très beau Corps à l'écart, d'Elisabetta Bucciarelli paru l'an dernier dans la même maison d'édition – des enfants disparaissent.
C'est peu dire que la disparition de petits gitans n'est pas vraiment le souci premier de la police. Mais quand Alma, petite-fille de Perro, patriarche du Poblao, se volatilise à son tour et que son grand-père abat un innocent dont il s'est persuadé de la culpabilité, les choses se mettent à bouger. C'est Pepe Jara, dit O'Hara, flic surdoué mais aussi camé jusqu'aux yeux et en délicatesse avec sa hiérarchie qui est chargé de l'enquête avec son coéquipier, Ramos. Pas de quoi persuader les Gitans que justice sera faite. Aussi Perro demande-t-il à un habitant du quartier, Tirao, gitan solitaire et taiseux, pickpocket et ancien drogué auréolé malgré tout d'une aura qui en fait une sorte de demi-dieu légendaire de la communauté, de retrouver les kidnappeurs de la petite Alma.

On s'en doute, plus que cette enquête parallèle qui sera toutefois menée à son terme, c'est bien le Poblao, sa communauté, les relations – alliances et conflits – qui s'y nouent entre gitans et entre gitans et gadjé qui est au coeur de cette Ballade des misérables. Et les figures quasi mythiques de Tirao et O'Hara sont autant là pour faire la lumière sur les événements que pour faire émerger la personnalité, la vie propre du Poblao.
Jouant avec les archétypes du polar et les stéréotypes sur la police et les gitans pour dévoiler une vérité qui est sans nul doute une parmi d'autres, Aníbal Malvar livre un roman étonnant dans lequel il joue avec les points de vue, faisant intervenir à la première personne dans chaque chapitre l'un ou l'autre des héros ou des personnages secondaires, ou bien même un objet, un animal, un astre… Se suivent donc, se recoupent, se fondent ou se rejettent les versions parmi d'autres d'O'Hara, Tirao, la Muda, Perro, Ramos, Prunelle-de-mes-yeux ou même de la lune, d'un perroquet ou d'un insigne de police. de cette alternance naît tour à tour le suspense, la poésie, ou l'ironie, offrant à ce roman choral un aspect protéiforme et labyrinthique.

C'est cela qui fait la beauté de la ballade des misérables, en livrant au lecteur quelques moments de grâce, de beauté et même de rire au milieu de la noirceur, mais c'est aussi parfois ce qui déroute, perturbe ou fait quelque peu s'enliser le récit. Sans doute Malvar s'est-il trop laissé prendre à son propre jeu et son roman aurait certainement gagné à être un peu plus court.

Reste au final un livre qui dépasse cependant l'exercice de style pour se faire, comme ses personnages, moins acteur que témoin des événements qu'il conte et d'une réalité sociale qui n'est, elle, pas de la fiction. Il accorde la parole ainsi une communauté qui ne l'a pas souvent dans la littérature actuelle, sans angélisme ni misérabilisme, et dresse un portrait saisissant et nimbé de mystère de ce bout de Madrid.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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