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Critique de seblack


Les cahiers de Voronej constituent les derniers poèmes d'Ossip Mandelstam, les derniers écrits avant sa mort en déportation en décembre 1938 sur le chemin de la Kolyma.
Pour saisir la portée de ces vers, quelques éléments de contexte doivent être rappelés. Depuis les années 1930, le pouvoir soviétique voit d'un très mauvais oeil l'oeuvre et Mandelstam lui-même. Pas assez réaliste, trop élitiste, trop ceci, trop cela. le tournant intervient avec la publication en 1933 du texte voyage en Arménie dans la revue Zvezda. Texte qualifié de « prose de laquais » par la Pravda et qui vaut au directeur de la revue Zvezda d'être limogé pour l'avoir publié.
Commence alors pour Mandelstam une longue descente aux enfers. Bien décidé à ne pas être vaincu sans combattre, il écrit un poème satyrique sur Staline, le « montagnard du Kremlin ». Ces vers particulièrement acides finissent par être connus des autorités qui font arrêter Mandelstam. Il est emprisonné et traité avec tout le raffinement réservé aux opposants politiques (privation de sommeil, nourriture salée sans boisson, camisole de force…). le poète ne doit son salut, provisoire, qu'à l'intervention de Bhoukarine et Pasternak auprès du « montagnard géorgien ». Mandelstam est alors assigné en résidentce à Tcherdyn en Sibérie occidentale où il tente de mettre fin à ses jours.
Il est alors déplacé et assigné à résidence à Voronej au Sud de l'URSS. Avec sa compagne, il y reste jusqu'en avril 1937.
C'est durant cette période de relégation qu'Ossip Mandelstam forge les poèmes de ce qui constitue aujourd'hui les cahiers de Voronej. Des cahiers qui vont rester durant longtemps secrets ainsi que l'ensemble de son oeuvre. Des cahiers conservés précieusement par quelques amis fidèles, des amis dont on mesure mal aujourd'hui l'ampleur des risques qu'ils ont pu prendre, tant Mandelstam était considéré comme un pestiféré.
Ces vers, sont ceux d'un homme se sachant condamné à plus ou moins brève échéance. Des vers tragiques mais des vers magiques. Les vers d'un homme face à lui même et face à la mort. Des vers qui transpirent la souffrance mais aussi l'espoir. Un espoir vain et d'autant plus bouleversant. Des vers tel un cri dans un océan infini de souffrance. Oui quels vers...ceux d'un calvaire...ceux d'un poète crucifié sur l'autel du « fier montagnard de Géorgie ».
Pour information cette critique et les citations qui en sont extraites portent sur le très beau volume bilingue publié par les éditions Harpo & et non sur celle des éditions Circé sur laquelle le site me renvoie systématiquement malgré de vaines tentatives pour offrir à ce livre la fiche qu'il mérite tout autant que le volume traduit et présenté par Henri Abril. Une édition avec Christian Mouze aux manettes. Une traduction nette, sans aucune annotation afin de ne pas parasiter le chant du cygne d'Ossip Mandelstam. Une édition nous offrant la version russe de ces derniers vers, une version imprimée en rouge sang.




Quand on veut lire un ouvrage historique en langue française offrant une synthèse complète sur le front Est durant la seconde guerre mondiale, on tombe sur un vide quasi sidéral, un vide qui ne manque pas d'interroger sur la vision quelque peu « occido-centrée » que l'on a et que l'on transmet sur ce conflit. Une vision déformée d'ailleurs, tant le poids de cette guerre a été assumé par les populations de l'Est de l'Europe. Inutile de rappeler les chiffres effrayants des pertes humaines.
Ce propos liminaire étant fait, parlons de ce premier volume de la Russie en guerre par Alexander Werth qui justement comble, en partie, ce vide. Alexander Werth n'était pas historien au sens universitaire du terme, il était journaliste et correspondant de guerre pour l'Angleterre (où sa famille russe avait fuit après la révolution de 1917). Son fils Nicolas Werth est un éminent spécialiste de l'histoire de l'URSS.
Le travail d'Alexander Werth est assez classique, offrant une histoire événementielle rigoureuse et précise. Toutefois il ne se cantonne pas à une « simple » histoire bataille. Les champs de la diplomatie, de l'économie et de la culture sont assez largement convoqués. Les observations qu'il a relevé tout au long de son travail de correspondant de guerre, jouent un rôle important dans ses sources. Par ailleurs, il livre à travers ce travail une analyse très intéressante sur les enjeux idéologiques de la guerre à l'Est et nous permet de voir que la guerre froide a commencé bien plus tôt qu'on ne l'imagine souvent. Une guerre était à peine commencée, qu'une autre débutait déjà. Difficile de résumer un ouvrage de près de 700 pages. Je me bornerai à mettre en avant quelques lignes fortes.
Ce premier volume porte sur les terribles années 1941-1942. le premier chapitre, prélude à la guerre, nous donne à voir le jeu cynique de la diplomatie occidentale et soviétique durant les années trente. Un jeu qui va aboutir à l'étrange pacte germano-soviétique, alliance de circonstances qui est le fruit cynique d'une diplomatie française et surtout britannique aveuglée par son anticommunisme et sous-estimant la nocivité du pouvoir nazi auquel elles ont livré la Tchécoslovaquie.
Cette partie permet de mesurer également la naïveté et l'aveuglement du pouvoir soviétique quant aux intentions allemandes. Jusqu'au bout Staline ne voudra pas voir la menace allemande et l'URSS s'acquittera jusqu'au déclenchement de l'opération Barbarossa de ses nombreuses livraisons en matières premières. Autre point soulevé, la question des massacres d'officiers polonais à Katyn qui feront de la Pologne un pays au coeur des enjeux idéologiques de cette guerre.
La suite est plus classique et porte sur les désastres militaires des années 1941 et 1942. Des mois cruciaux, qui révèlent l'incurie totale d'une armée soviétique affaiblie et désorganisée par les purges.
Des années désastreuses où malgré tout les soviétiques parviennent à conserver miraculeusement l'essentiel en éloignant l'offensive allemande de Moscou et en parvenant à déplacer une partie du complexe militaro-industriel dans l'Oural.
Une partie qui permet aussi de saisir comment les premiers rouages de la guerre froide se mettent en place. Les russes réclamant à corps et à cri l'ouverture rapide d'un second front en Europe occidentale. Face à ces demandes insistantes, les USA et les anglais font la sourde oreille et si les aides matérielles liées au prêt-bail s'avèrent capitales, elles peuvent aussi bien être perçues comme des os à ronger pour faire patienter l'URSS.
Ce premier volume se termine par un chapitre magistral consacré à la bataille de Stalingrad, point de cristallisation militaire aussi bien qu'idéologique.
Un premier volume complet et pertinent qui permet de mesurer l'ampleur des sacrifices consenti par les peuples d'URSS.
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