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Critique de Laurence64


Enchantée Monsieur Mankell de faire connaissance avec Kurt Wallander. Je sais, j'arrive après la bataille. Je découvre l'avant avant l'après alors que j'aurais dû lire l'après avant l'avant.
Nous ne chipoterons pas, n'est-ce pas? le premier pas est fait. J'ai fourré mon nez dans les cinq petites enquêtes balayant, sous les pluies suédoises, l'existence de Wallender. Je reviendrai me mouiller.

Monsieur Mankell, il ne fait aucun doute que vous êtes un écrivain (même si, a priori, vous vous emberlificotez dans les additions). Sachez cependant que l'on peut aimer les Lettres sans développer d'allergies aux calculs rudimentaires. A l'arithmétique, quoi. Je ne vous parle pas de physique quantique.
Dans les nuits nordiques qui n'en finissent pas, lorsque l'arrivée du printemps fait grimper follement le thermomètre jusqu'à 7° Celsius, votre futur inspecteur futur commissaire traîne sa vie comme une paire de savates éculées avant d'être portées. Et l'on se prend à aimer déjà la pantoufle défraichie.

Dès le premier récit "Le coup de couteau", le jeune Wallander, non encore rattaché à la brigade criminelle, fréquentant une Mona qu'il épousera, ne brille par par son ardeur amoureuse, ses envolées lyriques, un coeur qui pourrait battre la chamade histoire de vérifier sa jeunesse. Décidé de quitter les patrouilles pour les enquêtes, Wallander courtise Mona mollement. Bien sûr, les circonstances se liguent contre les tourtereaux qui filent de rendez-vous manqué en rendez-vous manqué en faveur d'une enquête individuelle et parallèle mené par Wallander. Mais tout de même… L'avenir dessine les contours d'un inspecteur intuitif, entêté, et un couple un tantinet grisouille où jamais la jeunesse ne signifie légèreté. Nous sommes alors en juin 1969 et le jeune Wallander compte 22 printemps (toujours frais les printemps).

Six ans plus tard, à 29 ans (parfaitement! 29 ans et non 28), Wallander se plaît à contempler son reflet de 22 ans. D'accord, il manque une année. 22+6=28. Mais nous ignorons si la Suède comporte une année bissextile comptant double. Ou si le traducteur japonais de Monsieur Mankell avait abusé de saké. Qu'importe, après tout! Wallander fait plus jeune. En fait, depuis 1969, il a toujours 22 ans.
Année supplémentaire ou pas, la faille qui craquèle le couple est présente. Dans ce plus court récit du livre, Wallander apprend une nouvelle fois qu'il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir. Mais l'apprend-il vraiment?

A 40 ans, en ce mois d'avril 1987 , Wallander se coupe les poils du nez dans son bureau (distraitement) tout en jouant plaisamment avec son âge. Il a fort élégamment récupéré son âge d'origine.
Femme et fille envolées vers les solaires Canaries, Wallander bouge sa carcasse dans les brouillards blancs suédois. Accroché telle une tique à l'enquête qui lui résiste, il avance à pas têtus, la tête perdue dans une solitude subie aussi pesante que provisoire. Chaque matin, il choisit le pull adapté à la température extérieure. Jamais, il n'abandonne.

Un an s'est écoulé. Nous sommes en avril 1988. Wallander s'est enrhumé et a égaré son épouse au fil du temps qui use et s'use. Elle lui manque mais le nez dans l'enquête du photographe assassiné fait passer le temps. Comme les quelques visites à son vieux père qui l'excède rompent les tête-à-tête avec soi-même. Mona lui manque. Pourtant, Wallander, semblable à ce qu'il a toujours été, ne combat pas. Seul le terrain professionnel le voit opiniâtre.

A l'approche des tempêtes d'hier, alors que Mona l'a définitivement quitté, Wallander mène une enquête serrée. L'extravagance de son père lui donne une leçon qui semble rapprocher les deux hommes. Il faut vivre ses rêves. le vieux tente d'escalader la pyramide de Khéops alors que le fils s'enlise dans une relation inconsistante avec une infirmière. Pourtant, Wallander ne se réforme pas. Il enquête, cherche, trébuche, touche juste, sauve son paternel d'un mauvais pas, mais persiste à ne rien lâcher. le coupable sera démasqué, Wallander aura, une fois encore risqué sa vie, cette vie paradoxalement routinière et dangereuse, passionnante et ennuyeuse.

Ici, on parle de solitude, d'amour contenu, de pudeur trop pudique. Ici, il est question de déchiffrement, d'intuition, d'individualisme et d'entêtement. Peut-être aussi de fatalisme.
J'ignore si je retrouverai tout cela dans la série des Wallander, mais je m'y risquerai.
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