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Critique de LicoriceWhip


Dans le Monde parfait de Mano, notre futur est délimité en zones.

Un futur proche où la seule soupape de sécurité s'appelle littéralement la Zone, et qui désigne l'ensemble de banlieues dans lesquelles on entre comme dans des Luna Park de la mort et de la défonce, après avoir passé de multiples sas et fait remettre armes et gilets pare-balles. Dans la Zone, la règle, c'est qu'il n'y a pas de règles. C'est la définition exacte donnée par William à Léa et Samuel autour de la machine à café, en leur promettant de les y emmener dans ce « nirvana, une partouze sensorielle » auquel on devient accro en peu de temps. Espace de misère où les citadins viennent se détendre en pétant les plombs, se droguent avec le Fly Me II The Moon, un puissant hallucinogène, tuent les résidents de la Zone, se font du frisson « toléré » avant de retrouver leur vie en ville bien policée, sans alcool, sans drogue, sans tabac où ils sont tous de bons consommateurs.

Le pouvoir est incarné par Stéphane Vescraut, Président de la République, hâbleur, cynique et vulgaire dont est proche Franck Duluth, un écrivain qui malgré ses livres provocateurs vendus par millions se sent vide. La fameuse crise du « Qu'est-ce qui pourrait donner un sens à mon existence, autre que celui de tromper ma femme avec des pétasses qui couchent avec moi parce que je suis connu, avoir mes entrées à l'Elysée et foutre un bordel bien calculé dans les salons du livre ? »

Sa route va bientôt croiser celle de Léa et Samuel qui ont tout plaqué pour aller vivre dans la Zone. En effet Léa, choquée par ce qu'elle y a vu, ne conçoit plus de retourner en ville et préfère vivre au coeur du chaos, sans doute pour comprendre comment faire exploser ce monde et cet ordre parfait qu'elle ne supporte plus.

Un an après avoir brocardé les « banlieues Disney » propres, sécuritaires et inquiétantes dans Les habitants, Mano s'attaque au côté sombre de ces excroissances autour de la ville. Mais s'il avait tendance à se vautrer dans la caricature vaine lors de ce précédent roman, il trouve avec Un monde parfait l'équilibre idéal entre une anticipation assez folle, voire excessive et néanmoins enracinée dans la réalité pour glacer le lecteur. La vision futuriste de Mano n'est pas celle d'un monde paranoïaque mais plutôt celui dont la logique sécuritaire est telle, qu'elle est tout près de basculer dans le terrorisme urbain qui fait que la Bande à Baader ou Action Directe ont pu exister. Jusqu'à faire de Léa une Florence Rey du futur.

Ecrit dans un style nerveux pour ne pas dire craché, Un monde parfait a ce pouvoir d'attraction irrésistible qui empêche de le poser avant d'avoir lu la fin. Tout à la fois bordélique et maitrisé, ce récit appuie sur le viscéral, s'affichant en vrai roman du dégoût et de l'insurrection.
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