La Turquie de Tayyip Erdoğan, la démocratie fragilisée, le récurrent déni du génocide arménien, le problème Kurde, la montée de l'islamisme radical... c'est un pays bien différent de celui d'Atatürk que
Valérie Manteau nous décrypte, dans un livre où elle se met elle-même en scène.
Il faut sans doute avoir quelques éléments de biographie pour comprendre les subtilités de ce récit/roman à une voix, sur l'enquête d'un militant pacifiste turco-arménien assassiné. En connaissant la collaboration de l'auteure à
Charlie Hebdo, son attirance pour la Turquie où elle se partage avec Paris et Marseille, on la devine derrière ses mots, avec un regard à la fois impliqué et «européen».
Le style est parfois déstabilisant, il semble dispersé, mélange de dialogues, de narration, de descriptions. On ne comprend pas toujours qui parle et de quoi. Cela demande une certaine concentration mais offre le plaisir de l'originalité. Il n'empêche qu'on se questionne sur l'hésitation de l'auteure, entre roman, papier presse ou documentaire (qui ne donnerait à voir qu'une facette de la Turquie contemporaine)
Par des digressions de rencontres et d'errance stambouliote, le livre se structure peu à peu autour de nombreuses figures d'opposants politiques ou intellectuels et de la vague de répression par le pouvoir en place, consécutive à l'échec du coup d'Etat de 2016.
Le tout est assez vivant, spontané, amusant parfois, et parle de politique et de société, nous plaçant en position de spectateur.
Un livre éclairant et affligeant sur «la bascule d'un État de droit vers l'arbitraire »