Le paysage était d'une beauté sauvage, la colonne avait descendu une piste menant au fond du canyon, remontant le courant du Peach Canyon qui peu à peu s'élargit. De chaque côté de la rivière une falaise de plusieurs centaines de mètres s'élançait vers un ciel sans nuage où parfois tournoyait un rapace.
Tout l'art du pêcheur, en fonction de la saison était de présenter un beau ver rouge, ou encore une sauterelle épinglée sur l'hameçon juste en-dessous de sa fine carapace qui la laisserait vivante et remuante à souhait. Parfois, il s'agissait de lancer une mouche au bon endroit en agitant la soie au-dessus de sa tête, comme un fouet. Une mouche confectionnée patiemment avec des plumes imitant les appâts du moment, mouche de mai, nymphe ou éphémère.
De son passé d'agriculteur aisé, il avait conservé un port altier et solide, comme souvent ces hommes des hauts plateaux de cette région ancestrale de l'Aubrac.
Il longea une longue allée de tilleuls dont les feuilles commençaient à tomber. Il adorait ces arbres qui dégageaient une odeur sucrée au printemps lorsque les fleurs s'ouvraient, embaumant l'allée.
Les ciels d'Aubrac étaient souvent changeants. Parfois, des nuages blancs couraient, emportés par le vent du nord, filant au-dessus des pâturages vallonnés, espacés par les murets de pierre sèche, où paissaient les troupeaux. Au loin, des lacs miroitaient par moments au soleil.
Et il se souvenait aussi de la borie de son grand-père en Lozère, sur ce merveilleux lac des Salhiens agité par une petite brise déclenchant des vaguelettes grises ou bleues selon le temps.
Leur but était le Montana et le Wyoming, des terres pratiquement inexplorées, vierges de civilisation blanche, très giboyeuses et où paraissait-il les Indiens, principalement des Sioux, étaient accommodants avec les blancs.
Il avait vu des photos de l'Ecosse et il s'imagina que l'Aubrac devait y ressembler, une terre aussi fière que les Highlands, avec ses pentes douces à perte de vue, séparées par des murets de pierres sèches délimitant les prairies et les bois de pins sylvestres.
Parfois, un oiseau bizarre traversait la piste, détalant bêtement, sans avoir l'idée de s'envoler.
Par endroits, des chiens de prairie émergeaient d'un trou au beau milieu d'une terre à l'herbe rase, leur tête pivotait à trois cent soixante degrés, pris d'inquiétude ou de curiosité.