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Critique de Tiephaine


Un essai en deux parties, qui prétend montrer comment le communisme peut être établi partout à la fois et ce, avec un minimum d'efforts, grâce au divin pouvoir de...la pub.

Il est rare que je déteste un livre, mais j'ai clairement détesté cette assez ronflante "Théorie de la Révolution Mondiale Immédiate". En fait, je ne sais toujours pas si Marcel Marien a rédigé son essai dans une perspective sérieuse, ou si il l'a rédigé dans le cadre du mouvement surréaliste. Une chose est sûre cependant: il s'agit d'une imposture, d'une contrefaçon. Après tout, il a participé à un trafic de faux tableaux et de fausse monnaie, alors ce n'est pas tellement étonnant...

Son essai se décompose en deux parties, la première étant une sorte d'analyse de la théorie marxiste, des raisons de son échec face à la théorie "capitaliste" (en réalité, libérale, le communisme ayant lui-même recours au capitalisme pour développer ses moyens de production), et surtout, expliquant pourquoi l'URSS est disqualifiée en tant que modèle du communisme mondial. On est là dans la critique typique du "ce n'est pas le vrai communisme" qu'on nous rengaine depuis les années 1930. Ne vous attendez pas à grand chose de cette partie, ce n'est rien d'autre qu'un gloubi-boulga typique des écrits communistes, où l'analyse ronflante (et trébuchante) se révèle parfaitement creuse et sans profondeur. Ce ne sont que des punch-lines qui se succèdent sans réellement être justifiées, mais dont l'effet à force de répétition est sensé emporter l'adhésion du lecteur.
Bref, cette première partie est une vaste blague et ne sert à peu près à rien, sauf à occuper le premier tiers d'un ouvrage qui serait autrement beaucoup plus divertissant.

Car la deuxième partie, qui concerne enfin réellement le sujet proposé par le titre de l'essai, peut être lu de deux façons: soit comme quelque chose de sérieux (par ceux qui veulent y croire), soit comme quelque chose de parfaitement absurde, naïf et ridiculement simpliste. L'idée de Marien est de créer une sorte de structure de manipulation des masses par le biais d'un "club des loisirs", implanté dans tous les pays possibles, qui se chargerait d'occuper massivement les espaces publicitaires dans les imprimés et la radiodiffusion, sans pour autant prendre parti sur la politique, pour appâter le chaland. Après trois mois, et le gain de millions d'adhérents, il est temps de ferrer le poisson: on commence à transformer le club des loisirs en mouvement revendicatif. Et de fil en aiguille, on finit par créer un parti politique, puis un contre-parti politique pour contrôler aussi l'opposition, et paf! ça fait une révolution mondiale en moins d'un an.

Alors bon, je présente cet ouvrage avec un peu de légèreté, mais en réalité, c'est un essai absolument indigeste, que j'ai trouvé assez mal écrit, et surtout, cynique au possible. Car c'est là le défaut (et la qualité) de Marien: il ne cherche pas à cacher ses intentions. Outre le fait qu'il n'hésite pas à parler de l'emploi de groupes terroristes et d'assassins dans la phase finale de son plan, il n'hésite pas non plus à envisager le financement de son "club des loisirs" via l'organisation de réseaux criminels, ce qu'il justifie par "ce sont des capitalistes alors c'est pas immoral". J'avais déjà été sérieusement échaudé par sa façon de justifier l'emploi de techniques de manipulation des masses calquées sur rien moins que le Troisième Reich et Goebbels. C'est totalement détestable, mais guère étonnant: derrière le masque de ceux qui prétendent vouloir aider les "masses" (pourquoi pas un terme moins négatif, comme "les peuples"?), se cachent des visages sournois et motivés uniquement par l'argent et le pouvoir.

L'éditeur Espace Nord a produit un beau travail, et le livre lui-même est très agréable à lire. Ma seule petite critique concerne la postface de Laurent de Sutter, qui je pense aurait largement gagné à se retrouver en préface. D'une part, elle est éclairante sur beaucoup de choses (ne serait-ce que sur Marien lui-même ou le contexte où il a écrit son ouvrage), et d'autre part, il me semble que c'est le genre de texte qui se doit d'être présenté avant lecture.
Merci, au passage, pour l'envoi de ce livre!

Un ouvrage à réserver aux amateurs des écrits de Marien et aux communistes convaincus, qui lassera très vite les simples curieux et agacera les autres.
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