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Critique de madameduberry


Houellebecq a des millions de lecteurs. Parmi eux, il faut en distinguer au moins un: Bernard Maris. De tous les ouvrages que ce grand et regretté penseur assassiné nous laisse, celui-ci me sidère particulièrement. On ne sait en effet ce qu'on doit admirer le plus: la modestie du commentateur ou l' intelligence de son analyse. Avec quelle élégance l'économiste Bernard Maris s'efface-t-il derrière l'écrivain Houellebecq, pour le pousser en pleine lumière et lui décerner d'autres lauriers, lauriers qu'on ne lui accordait certes pas en première intention comme on le verra plus loin. Bernard Maris connait intimement les rouages du néo-libéralisme. Il a lu avec une attention extrème l'oeuvre de Michel Houellebecq, et il s'enthousiasme de reconnaître dans l'art de l'un la parfaite radiographie du premier.Ainsi non seulement cet écrivain est grand parce qu'il sait " parler de la mort, de l'amour et du malheur", mais il est à ce jour unique, parce qu'il sait comme personne surprendre "cette petite musique économique, ce fond sonore de supermarché qui de ses notes lancinantes et fades pollue notre existence, ces acouphènes de la pensée quantifiante…" Mais plus encore, il illustre dans les ressorts dramatiques de son oeuvre les théories de "la secte" des économistes, ces gens qui se reconnaissent à ce qu'ils savent toujours se justifier après coup de n'avoir rien prévu de ce qui arriva, qui prétendent scientifique leur discipline " qui ne parvient même pas à faire des pronostics vérifiables", ces apôtres de la quantification, des dites lois de l'offre et de la demande, ces mortificateurs des valeurs humaines d'entraide et de générosité, ces aiguillonneurs de la pulsion de mort du capitalisme.
Les personnages de Houellebecq sont des désarrimés ou des asservis volontaires, infantiles et infantilisés par la peur de ceux qui les maltraitent, les appâtent et les rudoient, comme les petits nazis en herbe rudoyaient et maltraitaient jusqu'au viol le petit pensionnaire des Particules élémentaires. Enfants perdus devant l'incertitude généralisée ( du travail, du couple, de la famille, mais aussi de la pérennité des objets (obsolescence programmée) qui disparaissent dès lors qu'ils en maîtrisent l'usage et le maniement. Enfants appâtés par des désirs fabriqués et entretenus par une pluie incesssante d'objets dont l'usage est incompréhensible à qui n'est pas encore adonné à leur consommation, mais qui deviennent très vite une espèce de nécessité pour rester dans les rouages des services, prestations, ouvertures de droits, inscriptions dans la plupart des actes de la vie civile.. Houellebecq va encore plus loin: de ce triste visage de notre monde, il déduit l'avenir et la fin de l'humanité, à partir d'une démarche logique à peine forcée, il nous livre l'inévitable conclusion .
Là où le personnage de l'écrivain Houellebecq peut le plus nous surprendre, dans l'hommage (le mot n'est pas trop fort) de Bernard Maris, c'est dans les valeurs qui in fine se dégagent , a contrario de l'horreur économique et néo libérale: la bonté, l'amour des femmes et la valorisation du travail.
Surpris? Si vous l'avez déjà lu, cela mérite une relecture. Si comme moi vous ne l'avez pas lu.. faites comme il vous plaira.En tout cas, je vais tenter l'aventure.
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