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Critique de KahlanAmnell


Une journée aura suffi pour briser l'engagement amoureux d'Arlequin et de Silvia.
Le Prince, aidé de Flaminia, une femme rusée et manipulatrice, se fixe comme objectif de conquérir l'amour de Silvia, une jeune fille qu'il a rencontrée à plusieurs reprises dans un temps antérieur à la pièce (il faut bien faire jouer la vraisemblance pour justifier le retournement final de ladite jeune fille !). Pour cela, il lui faut évincer Arlequin, son rival et amant de Silvia, qui en est lui-même très amoureux - et réciproquement.

Au début, les deux jeunes amoureux se cherchent, oserai-je dire, désespérément : Silvia a été "enlevée" contre son gré et est retenue dans la demeure d'un Prince dont elle ignore jusqu'à l'aspect (celui-ci s'était fait passer pour un simple officier). Leur amour est touchant, ils semblent si fidèles et attachés l'un à l'autre ! Mais bientôt Silvia montre des signes de coquetterie et d'amour-propre qui n'ont rien du charme de la simplicité que loue son admirateur "secret", on la sent glisser vers l'inconstance, et ce sentiment se confirme lors de son premier entretien avec son "officier" : elle montre en effet un sérieux penchant pour lui.

Du côté d'Arlequin, il devient la proie amoureuse de Flaminia, qui semble réellement avoir un penchant pour lui, à tel point que je doute encore si la marionnettiste ne s'est pas emmêlée les fils dans sa propre rouerie... Elle demeure du moins la maîtresse du jeu, et conquiert rapidement l'amitié et l'amour du jeune paysan (je crois bien qu'il est paysan).

Peu à peu on observe la distance entre nos deux "amoureux" du départ : les pensées qu'ils ont l'un pour l'autre se font plus espacées et, surtout, plus encombrantes...
C'est ainsi que se crée une double inconstance : Silvia délaisse Arlequin, et Arlequin oublie Silvia.

Certains critiques ont parlé de meurtre en parlant de cette pièce : ce serait alors considérer que l'amour d'Arlequin est Silvia était aussi pur que sincère, et c'est sans doute vrai, car le premier acte les rend touchants d'inquiétude l'un de l'autre.
Néanmoins, comme il est dit plus haut, ce bel amour avait déjà commencé à mourir avant la pièce : Silvia avait déjà rencontré le Prince, et des sentiments avaient déjà eu le temps de naître dans son coeur. du côté d'Arlequin, on pourrait prétexter à son inconstance la simplicité de son caractère, sa rusticité - qui fait, soit dit en passant, tout le sel comique (et aussi un peu tragique) de la pièce.

En effet, je trouve savoureuses les scènes avec Arlequin, il a une franchise et une répartie des plus hilarantes ! Quand il martyrise le pauvre Trivelin, notamment, je dois dire que j'ai bien ri! J'ai une franche sympathie pour ce personnage.

J'en ai en revanche moins pour celui de Silvia, dont la coquetterie et la fierté exacerbée évincent chez elle tout le charme de la simplicité. Ce que je veux dire, c'est que je n'aime pas sa manière de raisonner et de traiter son premier amant, je la trouve froide et cruellement indélicate. Mais ce n'est qu'un ressenti personnel.

Bien que ce soit une comédie, j'ai cru sentir une certaine tristesse s'échapper du fil de cette histoire, et plus particulièrement lors de la scène qui confronte Arlequin au Prince (III, 5) : cette scène est plus (à mon sens) du ressort tragique que comique. Les deux amants de Silvia font état de leur peine et prennent pitié l'un de l'autre. Cela (cette tristesse) me fait rapprocher cette lecture de celle du Misanthrope de Molière, où Alceste, pris au milieu d'une comédie qui le place comme "bouffon", demeure assez malheureux...

Ma conclusion : la Double Inconstance joue un double jeu de comédie et de tragédie (le mot est certes un peu fort).
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