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Critique de Willd


Willd
01 novembre 2019
Après son premier roman intitulé Kilissa, Marie-Bernadette Mars nous revient avec un second livre qui explore à nouveau la condition de la femme en la transposant à notre époque tout en faisant voyager le lecteur dans une région peu connue de la Grèce : les Zagoria.


Une grand-mère âgée de quatre-vingts ans, prénommée Stamatia, une grand-mère dont la mémoire défaille, dont la mobilité se réduit de plus en plus avant de séjourner dans une maison de repos.
Une de ses petites-filles, Léa, photographe, vient souvent lui rendre visite, l'écoute raconter ses souvenirs, tout en tâchant de démêler le vrai du faux. Elle se pose de multiples questions sur ce qu'a été la vie de sa grand-mère qui, devenue veuve, a quitté la Grèce avec sa fille Èleni pour suivre en Belgique son second mari.
Suite à la demande de « Yaya », Léa se rend aux Zagoria et rencontre Maria, l'amie d'enfance de sa grand-mère. Celle-ci va lui raconter ce que fut leur jeunesse, sur fond de guerre civile et de la terrible dictature des Colonels. Elle lui révélera aussi le secret de l'échelle des Zagoria...


Fidèle à sa formation classique et philosophique, l'auteure aborde à travers une histoire familiale des thèmes existentiels et intemporels.

L'échelle des Zagoria est un roman sur le temps qui passe avec son cortége de souvenirs qui parcheminent l'existence, avec la solitude de la vieillesse régénérée par les visites familiales mais étiolée par les pertes de mémoire et le travestissement de la réalité, avec l'épreuve de la décrépitude physique. Parallèlement à l'écoulement du temps, M.-B. Mars renvoie au lecteur, comme un reflet de miroir, la question lancinante du sens de l'existence humaine en la rattachant à la trame de la transmission familiale.
« Je porte en moi – nous portons tous et toutes en nous – l'histoire de vies antérieures, recomposée selon notre personnalité, notre être profond.
Mais toute branche n'est-elle pas vivante aujourd'hui et sèche demain ? Elle se casse, elle tombe. Elle ne disparait pas, elle se transforme. Elle devient poussière, humus , terreau. Elle devient cendre dans un feu qui réchauffe, qui fait luire des yeux émerveillés, qui fait rêver. Elle devient complice alors des confidences échangées ou de récits enchanteurs qui donnent la vie . » ( p.109)

Ce roman composé presque exclusivement de personnages féminins traite aussi et surtout de la condition de la femme. Dans une société très marquée par la soumission et la tradition, Stamatia et Maria osent se lever pour braver les interdits en affirmant par des actes de bravoure leur liberté face à l'oppression.
C'est encore ce que fait, mais d'une autre manière, la maîtresse d'école Despini Katerini dont l'auteure trace un portrait très émouvant. Par ses paroles, son témoignage, ses opinions personnelles, des exemples repris à l'hitoire grecque, elle donne de véritables leçons de vie et d'humanité à ses élèves en les incitant à devenir eux-mêmes, c'est-à-dire à être capables de dire non et à exercer leur liberté.
« Les enfants étaient impressionnés. Despini Katerini, par ses histoires, imprimait en eux la conviction qu'un jour un de leur geste aurait de l'importance, que, là où ils étaient, là où ils seraient, il leur faudrait oser prendre la bonne décision, et qu'un oui ou un non pouvait changer le cours des choses. » ( p. 130)

Ce récit met , par ailleurs, en évidence l'importance de la transmission indispensable à l'être humain pour nourrir ses racines tout en développant sa personnalité. Certes il existe dans toutes les familles des non-dits qui ne permettent pas toujours de démêler l'écheveau des secrets mais ceux-ci sont supplantés par des gestes quotidiens qui renforcent l'appartenance familiale : une visite dans une maison de repos apporte par sa seule présence un rayon de soleil, un objet tel une photo ou un jeu fait revivre le passé, des paroles amicales peuvent redonner confiance et espoir...

Enfin le lecteur sera sensible à l'intimisme et à l'émotion qui irriguent tout le roman sans jamais verser dans l'émotivité.

Sur le plan formel ce récit très bien écrit s'apparente à un roman cinématographique voire kaléidoscopique car l'auteure multiplie les changements de scène dans de courts chapitres que l'on pourrait assimilés à des tableaux, en passant sans cesse d'un personnage à l'autre (Stamatia – Léa – Maria...), ce qui permet au lecteur de jouer le rôle d'un témoin invisible.

Relevons encore la beauté de la couverture qui représente une photo d'écorce de platane (l'auteure est passionnée de photographie) avec des plaques qui s'effritent telles les cicatrices de la vie ou encore les brisures et les craquelures du temps qui s'écoule...

On dit souvent que l'on attend qu'un(e) écrivain(e) rédige un second opus pour le(a) juger. Marie-Bernadette Mars a parfaitement réussi ce passage, gage de futures belles découvertes pour le lecteur !

« L'histoire d'un paysan ou d'une cuisinière est aussi riche de sens et d'humanité que celle d'un chef d'Etat ou d'un prix Nobel. » (F. Gaussen)


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