AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gardenia24


Livre acheté au hasard de la rentrée littéraire. Lu d'une traite.
C'est le premier ouvrage de Bénédicte Martin que je lisais, je n'avais donc aucun a priori. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Peut-être à une bluette sentimentale. Ce ne fut pas du tout le cas.
L'auteur maîtrise son récit même si parfois les phrases sont à mon goût (trop) amphigouriques (pour ne pas dire pompeuses) ; j'aime plutôt la simplicité et le minimalisme, un peu fourre-tout (l'écologie, les cataclysmes), et souvent très violentes et crues ; les scènes de sexe sont déballées à la face du monde sans voile, sans pudeur aucune.
Mais finalement ça fonctionne très bien.
L'histoire : un road movie amoureux aux quatre coins de la planète. le décor est posé dès les premières lignes.
Elle : la Gosse.
Lui : l'homme sans écharpe.
On reconnaît immédiatement un certain Sylvain T., pour peu que l'on ait lu ses ouvrages ; l'incontournable écrivain voyageur —l'infatigable, le grand baroudeur qui baroude, bourlingue, qui s'est cassé la figure en tombant d'un toit, qui cavale sans jamais se séparer de ses trois cartes Gold et Amex (j'ai bien ri à l'évocation de ce passage en pensant à Kipling, London, Kessel ou Cendrars) ; et l'auteur.

Ils s'aiment, ils se détestent ; nous ne sommes pas dans une très légère oscillation, mais embarqués dans des montagnes Russes. Comprenez : on est loin de la routine et du ronron d'un vieux couple pantouflard devant un bon feu de cheminée. Ça baise, ça nique, partout, souvent, très souvent, ça s'aime, ça écrit, ça voyage, ça s'écrit, ça se murmure des mots d'amours, ça s'insulte, ça se ronge, ça se grignote, ça part, ça revient, ça s'essouffle, ça se quitte, ça bande, ça mouille, ça débande, ça n'arrive plus à bander, etc).
L'image médiatique de l'homme sans écharpe s'effrite à mesure que l'on tourne les pages; et le moins que l'on puisse dire , c'est que Bénédicte Martin n'y va pas de main morte.
L'auteur égratigne, lacère le costume de cet homme qui semble pourtant si poli et si lisse ; elle dépiaute peu à peu l' âme bien pensante de son fougueux amant, celui qui fréquente souvent les plateaux de télévision pour y gouailler et y vendre ses ouvrages.
B. Martin excorie son amant, le racle. Puis hachure, rature à grands coups de crayons nerveux et indélébiles les aphorismes poétiques et lyriques dont lui seul a le secret.
La plume de l'auteur est affûtée, les phrases cinglantes. Ça fait mal. Ça fait très mal.
Les mots sont corrosifs et perforent lentement l'homme sans écharpe. À l'instar d'un talon aiguille d'une paire de stilettos à semelles rouge sang qu'elle enfoncerait dans son poitrail, tandis qu'il git sur le sol, ruiné une fois de plus dans les vapeurs d'éthanol.
L'homme sans écharpe apparaît sous les traits engourdis et éculés "d'un grand bourgeois débraillé avec son cigare mouillé", d'un bavard "rebellocrate" au compte bancaire bien pourvu ; d'un être tourmenté qui lui fait payer chèrement la facture d'un monde qu'il déteste, lui flanque en pleine face ses nombreux doutes, ses névroses et ses penchants pour la boisson.
Si vous cherchez un roman d'amour fleur bleue, tiède et sans saveur, ce n'est pas le bon choix ; si vous voulez un livre incisif, factuel, irrévocable, irréfragable et aux accents de sincérité, alors vous êtes en plein dedans.
Je me suis posée une question en terminant le livre . le roman de Bénédicte Martin est-il une fiction ? Un roman à clef ? Un roman d'amour ?
En tous cas, c'est courageux. Ça fait du bien.
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}