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Critique de LiliGalipette


Le cahier gris
Scandale chez les Thibault : le cadet, Jacques, s'est enfui avec son ami, le jeune Daniel de Fontanin, de famille protestante. Les deux enfants correspondaient secrètement dans un cahier gris qui recevait leurs confidences exaltées et leurs serments passionnés. Découverts et menacés de renvoi de l'institution, les garçons ont fui vers Marseille, persuadés de pouvoir embarquer pour l'Afrique. Mais Thibault père n'est pas homme à se laisser ridiculiser par un enfant. « Non qu'il fut incapable d'aimer Jacques : il eût suffit que le petit lui procurât quelque satisfaction d'orgueil pour éveiller sa tendresse ; mais les extravagances et les écarts de Jacques l'atteignaient toujours au point le plus sensible, dans son amour-propre. » (p. 13)
Pendant ce temps, chez les Fontanin, l'angoisse est plus violente. Jenny, la jeune soeur de Daniel, en est tombée malade et Thérèse, la mère, chancelle de douleur et d'inquiétude. La situation est d'autant plus critique que Jérôme de Fontanin déserte le ménage et laisse la maison sans ressources.
Les deux enfants vivent cette escapade avec fierté, déterminés à en remontrer à leurs parents, à prouver leur valeur. Surtout Jacques, si sensible et si plein de volonté farouche. le jeune garçon est pénétré de poésie et ne supporte pas l'écrasant joug que fait peser Oscar Thibault sur tous les siens. Jacques est un coeur sauvage, une âme avide de reconnaissance. « Depuis mes jeunes années, j'avais besoin de vider ces bouillonnements de mon coeur dans le coeur de quelqu'un qui me comprenne en tout. » (p. 53)
Dans cette première partie, on découvre les contours des familles Thibault et Fontanin. On pressent que le discret frère aîné, Antoine, prendra de l'importance et que les relations esquissées ne resteront pas lettre morte. En ce début de 20e siècle, la grande bourgeoisie catholique parisienne est plus que jamais pénétrée de son importance et persuadée de son pouvoir.

Le pénitencier
Pour punir Jacques de sa fugue, Oscar Thibault a envoyé l'enfant dans la colonie pénitentiaire de Crouy, fondation qu'il finance et dont il tire une fierté sans borne. le patriarche est intraitable avec son cadet : « Il s'agit de broyer sa volonté. » (p. 110) C'est chose faite et c'est avec horreur qu'Antoine découvre dans quelles conditions vit son jeune frère. Mais l'enfant est résigné : « Papa m'aime, au fond, il serait malheureux. Ce n'est pas sa faute s'il ne comprend pas les choses comme nous. » (p. 143) Décidé à le tirer de ce bagne pour enfants, et alors qu'il prépare les concours des hôpitaux de Paris, Antoine propose de prendre Jacques chez lui et de s'occuper de son éducation.
Il manque aussi à Jacques de retrouver son ami, le jeune Daniel de Fontanin. Cette amitié-là est trempée dans une matière qui résiste aux séparations et aux violences du monde. Les deux garçons ont reconnu en l'autre une âme soeur, un être d'exception qui lui correspondait en tout point. Mais l'exaltation de la prime jeune se passe. Alors, que reste-t-il du lien forgé dans le secret et la bravade ?
Cette partie présente Antoine, un personnage qui me plaît vraiment. le jeune médecin pour enfants est plein d'ambition et de rêves de réussite. Il s'oppose fermement à l'autorité paternelle pour offrir à son petit frère la seule chose dont celui-ci a vraiment besoin, la liberté. Se noue alors une belle et vraie relation entre l'aîné et le cadet de la famille Thibault.

La belle saison
Voilà l'été. Jacques a maintenant 20 ans. Avant de partir pour Maisons-Laffitte rejoindre son père et Gise, la nièce de la gouvernante qui l'a élevé, Jacques apprend qu'il est reçu à Normale. Quelle fierté se sera de se présenter devant Thibault père et d'exhiber cette réussite ! le cadet de la famille Thibault cherche encore et toujours à prouver sa valeur à son père et aux autres. « Suis-je encore un enfant ? Ou bien suis-je un homme ? » (p. 356) Mais l'excitation fébrile de la nouvelle finit par retomber et l'été, brûlant, exacerbe les sentiments de chacun.
Alors que Thérèse de Fontanin n'en finit pas de souffrir à cause de son infidèle époux qui lui fait traverser l'Europe et subir les pires humiliations, Jacques et Jenny, devenue jeune fille, se découvrent un singulier intérêt l'un pour l'autre. « Que de fois déjà, elle avait eu de Jacques cette vision d'un être inquiétant, presque dangereux ! Elle dut pourtant s'avouer qu'il ne l'effrayait plus. » (p. 415) Que se passe-t-il alors sous la lumière de la lune, quand l'astre dessine sur les murailles des ombres timides ?
À Paris, Antoine découvre la volupté auprès de Rachel, superbe jeune femme au tempérament passionné. « Je suis complètement libre et ne me cache jamais de rien. » (p. 339) Ainsi parle la belle amante du docteur, parfaitement émancipée et sans fausse pudeur. « Je n'ai rien de ce qu'il faut pour faire une amie fidèle, une maîtresse de tout repos. J'aime à me passer tous mes caprices. » (p. 348) Parfaitement émancipée ? Antoine le découvrira à ses dépends.
Les choses s'amplifient dans la dernière partie de ce premier tome. Au sein d'un été languide, les choses se tendent comme un arc et la flèche blesse. de l'oisiveté naît l'exaspération et, enfin, l'action. Les deux frères sont maintenant adultes et suivent des chemins plus torturés qu'auparavant, mais les coeurs sont toujours aussi exaltés. Jacques est en proie à de terribles réflexions sur la vie et la mort et il échoue à les apaiser dans des vers maladroits. de loin et comme éternelle, l'ombre tutélaire et sévère d'Oscar Thibault ne cesse de planer et d'affirmer son emprise.

La consultation
Pendant une journée, le lecteur s'attache au pas d'Antoine, maintenant médecin bien établi et doté d'une nombreuse clientèle. Passionné par son travail et heureux de ne jamais manquer d'ouvrage, Antoine est un célibataire heureux. « Quel beau métier tout de même. » (p. 76) Auprès de professeurs et de collègues, l'aîné des Thibault aiguise ses connaissances et approfondit ses réflexions sur le pouvoir du médecin et ses responsabilités vis-à-vis des patients.
Mais Oscar Thibault est gravement malade et voilà trois ans que Jacques a disparu. Personne ne sait s'il est mort ou vivant. En outre, nous sommes en 1913 et déjà se dessinent les premières craintes d'un conflit européen. Dans cette courte partie, le drame se noue, l'angoisse est palpable. La suite ne sera que terrible. le ton du récit a changé, modernisé à mesure que le monde s'approprie les nouvelles découvertes et les dernières inventions.

La Sorellina
Oscar Thibault est au plus mal : il se meurt d'une maladie des reins. Mais Antoine entretient le mensonge et lui promet la guérison. le fils aîné cherche surtout à gagner du temps pour retrouver Jacques. Désormais, il en a la certitude, son frère est vivant. « Au fond, que Jacques fût vivant ne le surprenait guère : jamais il n'avait eu, lui, aucune raison de supposer un suicide. » (p. 145) Pourquoi est-il parti ? Pourquoi n'a-t-il rien dit pendant trois ans ? le mystère s'élucide enfin.
Jacques a publié une nouvelle dans une revue suisse, c'est ainsi qu'Antoine a retrouvé sa trace. le texte est troublant : Antoine croit y lire le récit des jours qui ont précédé le départ de son frère. Que faut-il croire de cette nouvelle ? Faut-il prêter foi aux romances coupables qui se sont jouées sous les feuillages de Maisons-Laffitte ? Retrouvé, Jacques ne dément pas vraiment, pas tout. « Depuis qu'il avait donné une existence d'art à ce passé, il croyait l'avoir détaché de soi. » (p. 200) La Sorellina, c'est le récit des errements du coeur d'un jeune homme, celui de l'opposition au père et celui de la plus grande des décisions.
Avec ce récit enchâssé, Roger Martin du Gard donne une nouvelle dimension au personnage de Jacques : enfin, l'écrivain est révélé. L'homme est toujours torturé, plus que jamais. Plus que jamais, Jacques se débat pour affirmer son identité, loin des Thibault. Toutefois, si la sensibilité écorchée du cadet est touchante, je préfère la résolution ferme de l'aîné qui, sans manquer à ses devoirs familiaux et sociaux, suit un chemin qui n'appartient qu'à lui. Il n'est pas en marge, mais il ne se conforme pas complètement à ce que l'on attend de lui. La révolte de Jacques est sans équivoque, brutale et bruyante. Celle d'Antoine, sans être sournoise ou insidieuse, est plus subtile : l'homme atteint ses buts sans violence. En somme, Antoine est un nouvel Oscar Thibault, la fureur et la foi en moins. Il sera un homme de bien selon les codes du nouveau monde qui s'installe.

La mort du père
L'agonie d'Oscar Thibault est longue et douloureuse. Pour ce mourant, le plus pénible est d'avoir enfin compris qu'on lui cachait son état. À l'heure de la mort et alors que la terreur s'empare de lui, le vieil homme ne voit même pas Jacques à son chevet, ni Gise, revenue exprès de Londres. Antoine est impuissant face à l'inéluctable. Que faire pour soulager ce vieil homme déchu puisqu'il ne peut pas le sauver ? « C'est la première fois depuis vingt ans qu'il a envie d'embrasser son père. » (p. 314) Cette tendresse ultime qui s'empare de lui est la preuve qu'Oscar Thibault ne sera bientôt plus. Voilà, l'horloge est arrêtée. Oscar Thibault est mort. Cette simple idée est étrange. Comment croire que le patriarche n'est plus ? « Associer à l'image paternelle l'idée pourtant quotidienne de cadavre, c'était quelque chose de nouveau, de déroutant. » (p. 321)
Autre fait étrange, c'est le testament d'Oscar Thibault : l'homme est généreux envers tous, proches, domestiques, oeuvres sociales. Antoine, face aux dernières dispositions de son père, est confus. « Qu'ai-je connu de lui ? […] Une fonction, la fonction paternelle : un gouvernement de droit divin qu'il a exercé sur moi, sur nous, trente ans de suite, avec conscience d'ailleurs : bourru et dur, mais pour le bon motif ; attaché à nous comme à des devoirs… Qu'ai-je connu encore ? Un pontife social, considéré et craint. Mais lui, l'être qu'il était quand il se retrouvait seul en présence de lui-même, qui était-il ? Je n'en sais rien. » (p. 369 & 370) Cet éloge funèbre est à la fois spontané et violent. En ouvrant quelques tiroirs du bureau paternel, Antoine découvre une vie qu'il ne soupçonnait pas.
Pendant ce temps, Jacques reste en retrait. Son retour dans la demeure familiale a l'apparence de l'affolement de l'animal piégé. Entre les vieux murs, il retrouve l'étouffement de l'enfance, l'omnipotence du père, même mourant ou mort, et la tendresse encombrante de Gise. Bien qu'adulte et indépendant, Jacques garde en lui quelque chose de l'enfant farouche qu'il fut. Un rien le blesse et tout le tourmente. C'est tout logiquement que la partie précédente annonçait la fin de Thibault père. Mais pour que le drame soit complet, il fallait que les deux fils soient réunis. Loin des images d'Épinal qui consacre le fils prodigue, le retour de Jacques reste une douleur, une gêne.
La fin de cette partie et de ce deuxième tome présente une longue discussion entre Antoine et l'abbé Vécard. On savait depuis longtemps que l'aîné des Thibault n'était pas vraiment versé dans les affaires religieuses. On découvre qu'il a fait de la science sa foi profonde, mais que la religion ne l'a pas vraiment perdu. Il reste un appel qui résonne parfois. Mais avec la mort d'Oscar Thibault, c'est toute une conception de la charité chrétienne et de la pratique religieuse qui s'éteint. Ainsi périt un monde, ainsi retombe un pan de l'histoire.

L'été 1914
Jacques est retourné en Suisse. Avec d'autres artistes ou ouvriers, il mène une vie de bohème aux accents syndicalistes et socialistes. « Ils formaient, à Genève, un vaste groupement de jeunes révolutionnaires sans ressources, plus ou moins affiliés aux organisations existantes. » (p. 9) Venus des quatre coins du monde, les jeunes et ardents révolutionnaires rêvent d'un monde meilleur, débarrassé du capitalisme et du machinisme, d'un monde où l'homme serait la seule valeur. Mais il n'y a que des discours, des théories et de vagues projets. « Parler ne devrait être qu'un moyen d'agir… Mais, tant qu'on ne peut pas agir, c'est déjà faire quelque chose que de parler. » (p. 84) L'action, l'évènement, voilà ce qu'ils attendent tous. C'est alors que meurt François-Ferdinand sous les balles d'un ouvrier balte. Ce n'est donc pas révolution qui s'en vient, c'est la guerre !
« On obtient bien davantage de soi, quand on s'obstine à revenir sans cesse au point de départ, quand il faut, chaque fois, recommencer, et aller plus loin. » (p. 355) Ce sont les propos de Daniel de Fontanin, mais le cadet des Thibault aurait pu les dire. À chaque retour dans la maison familiale et dans l'univers que fut sa jeunesse, Jacques se débarrasse un peu plus de l'héritage de son père et s'oppose à tout ce que l'homme incarnait. le jeune homme ne garde que le nom : « Jacques, depuis la mort de son père, [signait] maintenant ses articles de son vrai nom. » (p. 16) Il aura fallu que le patriarche décède pour que le fils fasse sien un patronyme lourd de mémoire, en le détournant et en lui donnant une résonnance bien différente. Et c'est dans son éducation que Jacques trouve la justification de son engagement socialiste. « Ce qui a fait de moi un révolutionnaire, […], c'est d'être né ici, dans cette maison… C'est d'avoir été un fils de bourgeois… C'est d'avoir eu, tout jeune, le spectacle quotidien des injustices dont vit ce monde privilégié… C'est d'avoir eu, dès l'enfance, comme un sentiment de culpabilité… de complicité ! Oui, la sensation cuisante que, cet ordre des choses, tout en le haïssant, j'en profitais. » (p. 197) La rupture avec la lignée des Thibault est consommée : Jacques sera un Thibault rouge !
En France, Antoine a développé son activité médicale et se consacre de plus en plus à la recherche sur les pathologies infantiles. Plus que jamais, il veut devenir un maître de cette spécialité. Son esprit tout entier est tourné vers la science, à tel point qu'il ne perçoit pas la menace de la guerre. En dépit du lien qui vibre encore en eux, parfois, Antoine et Jacques sont trop différents pour se comprendre et s'accommoder des choix de l'autre. « Il y avait des moments où il goûtait une satisfaction rageuse à constater que le fossé était infranchissable. » (p. 158) Confortablement installé, Antoine suit les traces bourgeoises de son père : bonhomme avec son frère, il peine à remettre en question sa façon de vivre et de penser.
La tentative de suicide de Jérôme de Fontanin rassemble les frères Thibault et les enfants du mourant dans une seule pièce. Jacques est l'objet de toutes les attentions. Daniel, devenue peintre, effectue son service à Lunéville et sent que la vieille amitié se délite. Jenny, toujours aussi dure et intransigeante, ne pardonne pas à Jacques d'avoir fui pendant trois ans. « Nous n'avons pas cessé, en secret, de nous défendre l'un de l'autre. » (p. 410) Enfin, l'aveu s'amorce et il est également une révélation. « Maintenant, je comprends ce que je traînais en moi de si douloureux, toujours et partout : une nostalgie profonde, une blessure. C'était… c'était votre absence, mon regret de vous. C'était la mutilation que je m'étais faite, que rien ne pouvait cicatriser. » (p. 411 & 412) le Grand Soir de Jacques n'est pas socialiste, il est intime et amoureux.
Ce troisième tome est bien long et lent, avec assez peu d'action et beaucoup de discours. Jean Jaurès traverse quelques pages, mais c'est bien peu pour soulager des longs débats révolutionnaires entre les socialistes regroupés en Suisse ou de la discussion ombrageuse entre les deus frères. Il est surtout pénible d'être aux portes de la guerre et de ne pas y plonger. On pressent que Daniel de Fontanin connaîtra un funeste avenir, que la romance enfin déclarée entre Jacques et Jenny ne fera pas long feu et que le paisible Antoine devra faire craquer le vernis bourgeois qui le pétrifie.

L'été 1914 (suite)
Ce volume fait suite immédiate au tome précédent. Une heure à peine s'est écoulée. Les discussions vont bon train. Chacun redoute la guerre. On s'interroge sur la capacité des socialistes à empêcher la guerre. Jaurès tient tribune et promet la paix. « D'où venait la vertu ensorcelante de Jaurès ? » (p. 142) Tandis que les socialistes de tous pays mènent des marches pacifiques et glorieuses, l'espoir vibre encore. Mais la menace du conflit se précise. Et Jacques refuse de s'y laisser prendre : « Je ne me laisserai jamais mobiliser. » (p. 26) Finalement, tout se précipite : Jean Jaurès est assassiné et la mobilisation est annoncée. Impossible de reculer : « Soyons réalistes : à partir d'aujourd'hui, ce qui est international, ça n'est plus la lutte pour la paix ; c'est la guerre ! » (p. 351)
Les personnages se débattent tous dans des difficultés qui n'ont pas toutes trait à la guerre. Antoine cherche à se séparer de sa maîtresse, Anne de Battaincourt. Mme de Fontanin est en Autriche pour régler les affaires de son mari, dans un pays qui s'arme et se hérisse. Jacques et Jenny ne veulent plus se séparer : chacun aime la complexité de l'autre et veut désormais tout connaître de l'autre. Jacques entraîne la jeune fille dans les meetings socialistes, mais pourra-t-il la convaincre de la suivre en Suisse ?
Dans ce tome, on parle encore beaucoup. La politique et la diplomatie européenne reçoivent reproches ou éloges, selon les bords. C'est encore très long, mais cela s'accorde avec la tension qu'a connue l'Europe pendant cet été 1914. Mais je me suis un peu perdue dans les réunions politiques. Suis-je donc si midinette ? Mais je m'intéresse surtout à l'amour de Jacques et Jenny, cette passion qui couve depuis des années. On quitte le couple sur une séparation et il me tarde de savoir s'il se retrouvera.

L'été 1914 (suite et fin)
La guerre a commencé. Jacques poursuit la lutte et participe à une mission pour distribuer des tracts. Mais l'avion qui le transporte s'écrase et Jacques est très grièvement blessé. Pris pour un espion par les gendarmes français, il est abattu dans un champ.
Ainsi finit le cadet des Thibault et ainsi s'achève la très longue partie intitulée L'été 1914. Toute la tension créée par les discours politiques et idéologiques explose enfin. On savait qu'elle ne pouvait faire que des dégâts.

Épilogue
Nous voilà quatre ans plus tard. La guerre fait toujours rage. Antoine a été gazé sur le champ de bataille : il est malade et se sait condamné. le temps d'une permission, il retrouve Jenny qui a eu un enfant de Jacques, le petit Jean-Paul. Il discute avec Daniel, gravement blessé, qui a perdu le goût de vivre. Et il renoue brièvement avec Gise qui consacre tout son temps aux malades qui se succèdent dans le domaine de Maisons-Laffitte transformé en hôpital. À la tête de celui-ci se trouve Mme de Fontanin.
La guerre a changé toutes les personnalités. Gise n'est plus l'enfant qui cherchait l'affection de chacun. Jenny a gagné en douceur et en plénitude. Daniel n'est plus l'artiste exalté. Mme de Fontanin n'est plus la femme soumise et discrète et c'est avec une poigne de fer qu'elle dirige l'hôpital. Mais surtout, Antoine a perdu ses certitudes de grand bourgeois. La guerre lui a fait comprendre la vanité de la richesse et du luxe. Même si Jacques ne le saura jamais, son frère lui ressemble, désormais. « Comme nous nous comprendrions mieux, aujourd'hui ! … L'empoisonnement par l'argent. Par l'argent hérité, surtout. L'argent que l'on n'a pas gagné… Sans la guerre, j'étais foutu… » (p. 182 & 183)
Jenny oeuvre avec passion et abnégation dans l'hôpital, mais elle espère la fin de la guerre pour se séparer de sa mère
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