AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Darkcook


Quel crève-coeur, quel arrache-coeur, j'ai arrêté ma lecture plus d'une fois, traumatisé, et j'ai pleuré en le refermant... Vous connaissez la méthode Matheson? Mais si, déjà éprouvée dans Je suis une légende : développer un personnage auquel on s'attache, solitaire, exclu et ostracisé, qui survit malgré le danger... et lorsqu'on est plongé dans la béatitude des rares instants de bonheur qui lui sont offerts, Matheson n'attend qu'une chose, nous les arracher en plein vol quand on s'y attend le moins, les tripes et le coeur avec, par un rebondissement inattendu qui nous rend fou et nous attriste au plus profond comme s'il nous arrivait personnellement.

Point de vampires et très peu de folklore science-fictionnel : Richard Collier, condamné par une tumeur au cerveau, erre dans un hôtel tout droit sorti du XIXème et tombe amoureux fou de l'actrice Elise McKenna, qui a vécu en ce temps. Il cherche alors à remonter dans le temps, y arrive par la seule force de sa volonté, et le couple vit alors la plus belle et la plus déchirante des idylles, qui restera pour chacun d'eux, leur seul, unique et plus grand amour. le voyage dans le temps, toujours casse-gueule, est très bien géré : tout ce qu'avait lu Richard sur la vie d'Elise est causé par sa venue, il ne peut rien changer, et l'on connaît déjà la fin abrupte du 21 novembre 1896 annoncée par la biographie d'Elise. Même si Richard veut la changer, il ne peut pas, il l'a lu, c'est déjà arrivé, et on ne peut s'y résoudre. C'est vraiment un roman d'amour bien plus qu'un roman de science-fiction. L'évolution de l'histoire entre Richard et Elise passe du romantisme le plus onirique au réalisme des échanges sur l'oreiller et des projets d'avenir, avant d'être violemment sabordée... Et Dieu, pourquoi, POURQUOI Richard est-il aussi naïf, lent à la détente, et surtout scrupuleux de se débarrasser de son rival Robinson, fieffé salopard qui nous cause de terribles frayeurs traumatisantes dans les dernières parties du roman, et qui finit par participer à la fin tragique du couple??? Parce que Richard a lu qu'il mourrait dans le naufrage du Lusitania?? Parce qu'il est aussi amoureux d'Elise et qu'il souffre?? Mais Richard, pas de pitié pour les... Y a pas de mots. Cela faisait longtemps que je n'avais pas détesté à ce point, viscéralement, un antagoniste, Matheson a réussi un coup de maître.

J'ai fait la grimace sur le post-scriptum du frère de Richard Robert, mettant en doute, grâce à l'ambiguité de la narration, l'authenticité des évènements, mais trop d'éléments plaident en faveur de l'histoire de Richard et la dernière phrase dit tout. Magnifique.

Deux petits reproches bien mineurs par rapport au déferlement émotionnel qui m'a envahi, mais qui m'ont quand même presque fait retirer une étoile en cours de route : la traduction. Gallimard ferait mieux de le ressortir avec une nouvelle traduction aussi soignée que celle de Je suis une légende. Ici, l'écriture en était plus inégale, avec des figures de style un peu ratées, des erreurs dans les dates, les phrases, à l'occasion, mais qui pouvaient parfois davantage relever de la faute de frappe... Également, toute la partie où Richard essaie par sa volonté de reculer dans le temps était laborieuse et maladroite. Il eut été plus poétique qu'il y arrive d'un seul coup, même s'il fallait créer la menace constante de son possible retour en 1971. Les passages sur ses suppositions quant aux voyages temporels n'étaient pas non plus des plus passionnants.

Mais bon, par rapport à tout le reste, l'histoire, les scènes d'anthologie, l'affection énorme du lecteur pour Elise et Richard, nouveaux Héloïse et Abélard, c'est bien peu de choses. Matheson m'a complètement déprimé, pour de vrai, à chaque fois que Richard et son amour étaient mis en péril!! Voilà ce que c'est, les écrivains diaboliques, qui travaillent les effets psychologiques sur leurs lecteurs... Et je le redis, mais qu'est-ce que je HAIS Robinson... Et la pièce d'1 cent...

En ces temps gris, matérialistes, cherchez votre Elise McKenna, et mesdemoiselles, votre Richard Collier. L'amour, divinisé par ce roman, est le plus grand mystère de la vie, cliché, poncif, mais tellement vrai. Je termine par ceci, comme Elise, "Et l'amour, plein de douceur".
Commenter  J’apprécie          4413



Ont apprécié cette critique (38)voir plus




{* *}