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Citations sur Nicolaï Rezanov : Le rêve d'une Amérique russe (14)

Un périple aller-retour pour la Sibérie impliquait une absence d'au moins une année passée pour l'essentiel sur les routes.
...la petite expédition de Rezanov roula à vive allure sur la voie impériale en terre battue qui menait de Saint-Pétersbourg à Moscou, laquelle était réservée au trafic gouvernemental et aux personnages de qualité porteurs d'un passeport spécial. Les sujets moins prestigieux avançaient laborieusement dans les ornières des bas-côtés avec leur charrettes traînées par de vieux canassons. Parvenus à Moscou, ils se joignirent au flot d'hommes et de caravanes marchandes qui empruntait le "Trakt", la grand-route reliant la Russie européenne à la Sibérie -- pas vraiment une route au sens moderne du terme, mais plutôt une large bande de pistes sablonneuses qui sillonnaient l'étendue plate de terres agricoles et de pâturages, parsemée de grappes d'isbas blotties autour des clochers trapus des églises.
Certes, Rezanov avait un peu bourlingué à l'occasion des manœuvres du régiment Izmaïlovski, mais, c'est là, sur le "Trakt" qui traversait les villes de la Volga, telles Nijni Novgorod ou Kazan, avant de se perdre dans les solitudes désertes de la steppe, que s'évanouissaient l'effervescence, le va-et-vient incessant de la Russie proprement dite, et qu'il toucha du doigt pour la première fois l'immensité réelle de son pays. Même de nos jours, sans la poussière , sans les lits infestés de punaises, les fesses endolories par les heures à cheval, les bandits de grand chemin, la puanteur du crottin et celle des corps crasseux ou encore les nuages de taons, traverser la Sibérie par la route a quelque chose d'hypnotique : la monotonie du paysage vous engourdit au point de vous plonger dans un état quasi métaphysique qui permet de mesurer pleinement sa propre insignifiance. Vous n'êtes plus qu'un simple point qui progresse à la vitesse de l'escargot sur la surface d'une terre sans limites, au décor presqu'immuable. P 118
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La mort de Rezanov s’est produite au pire moment pour la réalisation de son grand dessein. Moins d’un an après sa disparition, l’empire espagnol était décapité par Napoléon, qui occupa Madrid avant de destituer le roi Charles IV. La Russie aurait dû profiter des convulsions de l’année 1808 pour fondre sur les colonies espagnoles, à présent dépourvues de chef. Mais à cette période-là, l’attention du tsar était trop absorbée par la négociation d’un traité de paix avec Napoléon pour qu’il s’intéresse au destin des territoires espagnols d’outre-mer soudain orphelins, et il n’y avait nul Rezanov dans son entourage pour le convaincre de monter une opération audacieuse afin de s’emparer des possessions californiennes de l’empire en difficulté. p 378
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Une petite chienne achetée à Copenhague par Romberg était devenue amie avec le chat d’un marin, et les deux compagnons divertissaient beaucoup l’équipage de la Nadejda. « Leurs jeux sont si hilarants qu’il nous arrive souvent de former un cercle autour d’eux et de simplement nous amuser de ce spectacle 22. » Or, la petite chienne eut ses chaleurs pendant que l’expédition faisait du surplace au beau milieu de l’Atlantique et elle se mit à gémir ou à japper sans arrêt. Krusenstern ordonna qu’elle soit jetée par-dessus bord, à la grande tristesse de Romberg – et de son copain le chat, « qui ne cesse de chercher le petit chien dans toutes les cabines et les recoins du vaisseau […] appelant sa camarade de jeu par des miaulements déchirants. ». Rendu fou par la chaleur et l’immobilité, l’un des porcs du bateau s’échappa de son enclos et sauta à son tour dans l’océan. Mais, contrairement au chien, il se montra si bon nageur que Krusenstern ordonna de passer tous les cochons par-dessus bord pour leur offrir un bon lavage. Les cris perçants et les défécations des bêtes terrifiées que l’on plongeait puis ressortait de l’eau étaient une épreuve supplémentaire pour les nerfs tendus des passagers les plus fragiles. Les poules eurent moins de chance : Langsdorff remarqua qu’entre la température écrasante et le sel qui se mêlait à la poussière s’élevant du pont desséché, toutes étaient devenues aveugles. p 196
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Tout historien en quête d'un héros découvrira inévitablement la part de la crapule dans son sujet d'étude. L'héroïsme est une vertu visible uniquement au téléobjectif, semble-t-il.
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En 1812, la limite des possessions du tsar se situait sur ce que l'on nomme de nos jours la Russian River, à une heure de voiture au nord de San Francisco par la Highway 1. La Russie avait également possédé — quoique brièvement — une colonie à Hawaï. Rezanov avait consacré le plus clair de sa vie à défendre l'idée que la côte ouest de l'Amérique pouvait devenir une province de la Russie et le Pacifique, une mer russe. Ce n'était pas du tout un dessein chimérique et farfelu, mais une véritable possibilité.
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La première vision qui s’offrit à lui des territoires de la Russie d’Amérique fut à la fois magnifique et consternante. Au travers des brumes qui enveloppaient les îles Pribilof, l’équipage de la Maria distingua une terre qui grouillait de corps au pelage luisant et brun : la plus importante colonie de phoques au monde. Mais au fur et à mesure que le bateau approchait des plages de sable noir de l’île de Saint-Paul, Rezanov fut presque suffoqué par les effluves de chair putréfiée qui s’élevaient de la pile de carcasses en décomposition. « Le nombre de phoques qui peuplent cette île est incroyable. Le rivage en est littéralement recouvert. Il est très aisé de les tuer, observe Rezanov. Avant mon arrivée, trente mille mâles ont été abattus en une seule journée. Leurs peaux ont été laissées de côté. » Seul leur pénis avait été prélevé, et ce pour le marché de Canton, où celui-ci était extrêmement prisé en tant qu’aphrodisiaque. Les colons russes avaient été encouragés dans cette pratique par des marchands de Boston. p 262
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Rezanov avait une obstination qui confinait à l'obsession. Rien, ni l'histoire naturelle de Langsdorff, ni les émotions d'une jeune fille ou encore les scrupules religieux, ne devait faire obstacle à son rêve. L'Amérique russe deviendrait florissante, et, avec le temps, la Russie conquerrait le presidio de San Francisco comme lui-même avait conquis le cœur de sa plus grande beauté.
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Rezanov était un homme averti et moderne, élevé sur les bords de la Baltique. Ses visites à Irkoutsk et à Kiakhta l'ont semble t-il convaincu que les anciennes routes d'Asie étaient inefficaces et archaïques : l'avenir, c'était le commerce par voie maritime, et non terrestre. Ainsi le germe de l'idée qui devait accaparer le reste de son existence a t-il été planté durant l'hiver qu'il a passé sur la route de la soie. Si les Hollandais pouvaient commercer avec le Japon à Nagasaki et les Anglais avec la Chine à Canton, pourquoi la Russie, plus important empire d'Asie, ne pourrait-elle pas elle aussi profiter des échanges transpacifiques - ou même les dominer, d'ailleurs ?
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En 1821, à l'issue de plusieurs années de guerre civile, le Mexique avait fini par arracher son indépendance à l'Espagne. En 1827, la nouvelle nation fit des ouvertures diplomatiques à la Russie, à qui elle offrit d'autoriser la Compagnie Russe d'Amérique à revendiquer certaines parties d'Alta California en échange d'une reconnaissance par le tsar de la république mexicaine. Le directeur général de la CRA, le baron Ferdinand von Wrangel, était un fervent partisan de cette idée. Mais la Compagnie n'était plus dans les bonnes grâces impériales et Nicolas Ier, qui se flattait d'être le réactionnaire suprême du contient européen, refusait de donner sa bénédiction à des antimonarchistes comme les rebelles mexicains. La Russie avait laissé passer à jamais sa chance de souffler à un empire espagnol en pleine désintégration un morceau de la Californie — qui comprenait probablement la région où fut découvert l'or en 1848. Si Rezanov avait été encore vivant, on peut se demander s'il serait parvenu à convaincre le tsar de prendre une autre décision.
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De même que ses officiers, l'équipage de la "Juno" était enchanté par la Californie. Un peu trop, d'ailleurs. Trois jours après avoir jeté l'ancre, cinq hommes de D'Wolf— quatre Bostoniens et un Prussien, qui s'étaient engagés au service de la Compagnie l'automne précédent à la Nouvelle-Archangel — demandèrent la permission de rester à San Francisco. Plusieurs Russes semblaient brûler de les rejoindre. Il était évident que si Rezanov les laissait partir, il n'aurait plus de marins pour le retour à Sitka.
Don Luis, qui ne tenait pas tellement à voir des Yankees protestants se promener dans sa colonie, offrit un détachement de soldats pour monter la garde devant la "Juno" et empêcher toute désertion. Une cour martiale fut improvisée sur le gaillard d'arrière de la "Juno". Elle condamna les cinq hommes pour complot de désertion et ordonna qu'ils soient enfermés dans un petit fortin planté sur une île inhabitée de la baie que les Espagnols avaient baptisée La Isla de los Alcatraces — l'île des pélicans. C'est ainsi que les cinq de la "Juno" devinrent les premiers prisonniers d'Alcatraz.
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