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Critique de Laurence64


Entrer dans un Mauvignier, c'est entrer dans la tragédie humaine; il y a soi et il y a l'autre. Irréductible. Il y a soi, à jamais seul et l'image de l'autre. J'inspire, j'expire. Je sais que le voyage suintera le gris; que les mots sangloteront; qu'il y aura risque d'étouffement.

J'entre tout de même. A pas de loup. Cette fois ci, l'écrivain ne me piègera pas dans ses phrases qui hoquettent, sa ponctuation elliptique, ses pensées qui emmurent et bousculent l'âme. "Cette douleur à moi, là, qui faisait un creux et que j'entendais battre sous la peau." Catherine entame son monologue. Avec celle qui dit, j'ai regardé ceux qui vivent, elle et eux séparés. Je suis restée, hypnotisée par la langue, prisonnière des voix chuchotées dans une solitude que rien ne semble pouvoir briser. Il est des écrivains dont il est vain de se défier.

Ceux d'à côté donnent la parole à deux solitudes en souffrance, ceux qui regardent ceux d'à côté. Les autres. Ceux qui vivent.
- Catherine d'abord, voisine de palier et confidente De Claire. Claire a un Sylvain. Claire est violée dans son appartement. Claire vit. Catherine mène une existence qui se résume à la préparation d'un concours de chant et la surveillance de cantines scolaires. Catherine à laquelle il n'arrive rien. Qui pense attendre alors que, déjà, elle n'attend plus rien.
- L'homme sans nom que Catherine croise parfois dans le quartier. Métreur par hasard. Quitté par une épouse indifférente. Violeur une fois. Violeur de Claire qui n'a pu donner son signalement.

Deux monologues liés par Claire, deux solitudes qui tournent autour de celle qui représente l'amour, l'humanité.
Lui aurait voulu aimer cette femme qu'il a si violemment abimée. Gratte ses plaies, son acte, sa mise au ban personnelle. "Alors, voilà au moins une chose que je sais. Au moins une. Il y a ceux qui savent et les autres, ceux qui n'ont que la douleur d'être humiliés pour se rappeler qu'ils sont vivants. Allez dire ça à ceux pour qui la vie est faite. Leur raconter que les victimes et les bourreaux c'est au même dégoût qu'ils se découvrent, aux mêmes fatigues qu'on les reconnaît. Et leur dire qu'on est quelques-uns à marcher au-dessous de l'humanité. Qu'on aurait bien voulu mais qu'on n'a pas choisi comme eux croient à tout bout de champ qu'on choisit sa vie, avec ceux qui disent que, eh oui, mon garçon, quand on veut, on peut. Ben voyons.”
On ne parvient pas à le condamner. Pire. On compatit. On suffoque avec celui qui dit, séparé à jamais des cravatés, des occupés, des autres.

Elle, Catherine oscille entre empathie et jalousie pour cette Claire, amoureuse et violée. Parce que souffrir est aussi une façon de ne pas s'évanouir dans le néant des yeux indifférents. le pire mieux que le rien.
"C'est tellement vaste quand il n'arrive rien".

Finir un Mauvignier, c'est la certitude de ne jamais en avoir terminé avec ces voix qui murmurent derrière les fenêtres. Juste à côté.
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