Une fois de plus je "trainaillais" à faire mon commentaire : il me semble souvent que mes petits mots de petite lectrice ne rendent pas hommage à l'écrivain ....
Il a fallu une discussion qui eu le mérite d'écorcher ma sensibilité dès lors qu'on touche à mes "best" pour me donner l'allant de défendre bec et ongles ce Mauvignier qui , décidément semble susciter des réactions très tranchées .
Ceux d'à côté , c'est encore une fois une histoire dure et âpre , traitée à "la sauce Mauvignier" : l'histoire d'un viol : Ce n'est pas la voix de la victime que choisit l'auteur pour nous faire entrer dans l'atrocité de ce drame , mais celle du violeur en parrallèle à celle de la voisine
De Claire , la victime .
Dérangeant à bien plus d'un titre donc que ce roman .
Car Mauvignier , par ce choix si peu orthodoxe , met en lumière d'autres souffrances que celle du viol : celle en amont du violeur qui traine la souffrance de la culpabilité et de son histoire qui en a fait un homme dangereux pour la société ....sa solitude dans l'errance et le fardeau de ce crime non puni le conduisant à porter le poids d'une double culpabilité .
Citation :
Lui aurait voulu aimer cette femme qu'il a si violemment abimée. Gratte ses plaies, son acte, sa mise au ban personnelle. "Alors, voilà au moins une chose que je sais. Au moins une. Il y a ceux qui savent et les autres, ceux qui n'ont que la douleur d'être humiliés pour se rappeler qu'ils sont vivants. Allez dire ça à ceux pour qui la vie est faite. Leur raconter que les victimes et les bourreaux c'est au même dégoût qu'ils se découvrent, aux mêmes fatigues qu'on les reconnaît. Et leur dire qu'on est quelques-uns à marcher au-dessous de l'humanité. Qu'on aurait bien voulu mais qu'on n'a pas choisi comme eux croient à tout bout de champ qu'on choisit sa vie, avec ceux qui disent que, eh oui, mon garçon, quand on veut, on peut. Ben voyons.”
Puis en parrallèle , la souffrance de Catherine qui" vit sa vie par procuration" : Catherine fait partie de ces êtres qui trainent leur carcasse lourde du poids de la vie , inadaptés qu'ils sont à ce qui les entoure :le temps passe , plein de vide et sans attente .Ainsi Catherine s'exprime :
Citation :
Moi, je montais derrière, sans rien demander, parce que les gens qui sont tout
seuls, ils montent derrière et ils osnt déjà bien contents de ne pas Passer un dimanche de plus à se dire, qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui, bon, il ne fait pas beau, je vais me lever tard, parce que, pour ça, je m'arrangeais toujours pour me coucher à n'importe quelle heure, encore plus tard, le plus tard possible, le samedi, soûle, pour me réveiller le dimanche vers une heure, histoire d'avoir réglé son sort au matin, de pouvoir traîner longtemps avec ma fatigue devant le café, en attendant d'appeler ma mère qui me dirait comme tous les dimanches, tu viens de te lever, toi, dis, tu as fumé, la voix que ça te fait, dis donc, pour chanter, comment tu veux, si tu fumes.
"C'est tellement vaste quand il n'arrive rien".
Le crime produit sur son pallier , et dont son amie est victime lui donnera une raison d'être : l'empathie lui donne enfin une raison d'exister ....mais aucune pureté là dedans , ce serait méconnaitre Mauvignier qui souligne le caractère pernicieux de cette vertu .....entachée par la jalousie de Catherine à qui le désert de sa vie deviendrait insupportable sans "la vie des autres" qu'elle vole à leur insu pour s'en nourrir et "devenir"!
" Deviens ce que tu es" : impossible pour Catherine , dès lors elle puise ailleurs ...
....Jalouse du malheur des autres , c'est exister quelque part !
L'écriture de Mauvignier n'a rien de confortable , ses thèmes choisis non plus , ni sa façon de les traiter :
Très rapidement j'ai compris qu'une "lecture à voix haute intérieure" me semblait le seul moyen d'accéder à la profondeur de ses écrits . Les mots alors prennent un sens et deviennent musique ....lancinante , hâchée , essoufflée quelquefois ....
Son" style" est unique , caractérisé par l'absence de style justement: et c'est par ce biais qu il atteint les couches profondes de l'âme du lecteur .
Tout comme avec
Sylvie Germain qui choisit une voie complètement opposée ,, je ressens l'impérieuse nécessité de lâcher l'intellect pour avoir la grâce d'accueillir en moi leur art unique et mystérieux .
Dire que
Laurent Mauvignier "écrit mal " c'est ne pas avoir percé le mystère de cet artiste ....
Encore une belle découverte .Merci Monsieur Mauvignier .