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Critique de Cannetille


En 2015, les cadavres de 71 migrants qui tentaient clandestinement de rejoindre l'Allemagne, sont découverts dans un camion frigorifique abandonné sur une autoroute autrichienne, pas loin de la frontière hongroise. Véritable électrochoc sur l'opinion publique allemande, ce drame déclenche une vague de solidarité spontanée au sein de la population et l'inflexion de la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel : les portes de l'Allemagne s'ouvre alors à des centaines de milliers de demandeurs d'asile.


En faisant se croiser les destins des deux jeunes Asma et Tamim, l'une syrienne, l'autre afghan, tous les deux jetés sur les chemins de l'exil par les persécutions qui ont décimé leurs familles, le roman immerge sans ménagement dans la réalité crue et insupportable de la « route des Balkans », cette voie migratoire semée d'embûches, depuis la Grèce vers l'Europe centrale et de l'Ouest. Placé dans les pas aussi périlleux qu'exténuants des migrants, confronté au dénuement des pays les plus pauvres d'Europe où se développent les pires pratiques des réseaux de passeurs, le lecteur pris à la gorge par l'atrocité de l'hécatombe risque fort de devoir reprendre son souffle plusieurs fois avant de parvenir au terme du récit.


A l'horreur répond pourtant le formidable élan de solidarité de la population allemande que son histoire a rendue particulièrement réceptive aux souffrances des personnes déplacées ou séparées par les frontières, à l'instar d'Helga, dont la famille connut l'exil lors de la redéfinition territoriale de l'Allemagne après-guerre, et qui vécut avec ferveur la chute du mur de Berlin et la réunification de son pays. La figure d'Angela Merkel domine dès lors toute cette partie du récit, au travers de la mise en place à ce moment, le devoir moral l'emportant face à la situation d'urgence humanitaire, de sa généreuse politique migratoire, on le sait réduite depuis sous la pression conservatrice.


Pointant du doigt les contradictions et les divisions européennes, et notamment l'ironie de la construction d'un nouveau mur en Hongrie, précisément là où s'était ouvert le rideau de fer en 1989, Christine de Mazières nous interroge sur notre propre passivité : ce que l'Allemagne a tenté depuis 2015, ce « Wir schaffen das - Nous y arriverons », était-ce donc si impossible dans d'autres pays d'Europe ? En 2019, un autre camion frigorifique livrait en Angleterre sa cargaison de 39 cadavres, tous des migrants vietnamiens...


Ce terrible roman, où quelques destins particuliers viennent souligner l'inhumaine réalité d'un drame humanitaire abordé par l'Europe en ordre dispersé, est sans aucun doute le plus convaincant de tous ceux qu'il m'a été donné de lire sur le sujet. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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