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Critique de domi_troizarsouilles


Que de souvenirs cette lecture évoque en moi ! Oh, ce n'est pas une relecture, je suis sûre et certaine de n'avoir jamais lu ce livre, tout au plus des extraits épars et au hasard, avec un petit goût d'interdit. Car, oui : ce dont je me rappelle, c'est quand j'étais encore enfant, un peu plus de 10 ans mais au début des années 1980 on ne nous disait pas encore « ados » à cet âge-là : donc, je me rappelle ma maman toute contente à l'idée de voir sa mini-série du même nom, série que je n'avais pas le droit de regarder avec elle… mais je ne manquais pas de lire la revue des programmes TV (à cette époque lointaine où il n'y avait pas Internet) pour découvrir le synopsis de l'épisode du jour et rester en admiration devant les photos du beau Richard Chamberlain
Je suis tombée sur ce livre en cherchant l'un ou l'autre roman australien pour un challenge autour du monde, je ne pensais pas du tout à ce titre, mais quand Google me l'a proposé, c'était une évidence que je « devais » le lire ! Et ainsi, ce sont ces images volées à une maman peut-être un peu trop protectrice qui me sont revenues, et bien au-delà ! J'ai rarement lu une romance d'une telle intensité, d'une telle force narrative ; elle va bien plus loin que l'attirance entre un homme et une femme qui finissent par se découvrir. L'amour n'est que rarement dit, et encore plus rarement montré dans des scènes explicites (contrairement à tant de romances actuelles), et pourtant il est bien là avec des ramifications profondes comme des racines qui s'enroulent, se perdent dans les profondeurs, se rejoignent entre mères et filles, et vivantes comme des branches qui s'élancent vers le ciel et ne meurent jamais tout à fait même quand elles sont coupées durement. C'est l'histoire de toute une vie, de plusieurs vies qui s'entrecroisent, dans un cadre dur, avec des femmes fortes sous leur allure soumise ou rebelle, bien avant qu'on parle d'émancipation ou de droits des femmes…
Et bien sûr, c'est surtout une histoire d'amour impossible, parce que l'homme aimé (et qui aime pourtant) choisit l'Autre : Dieu et son Église, cette Église et son pouvoir, et l'argent aussi… le personnage de Ralph touche énormément, par cette originalité que représentent ses choix : les tourments d'un prêtre pourtant convaincu de sa vocation avec ses aspects célestes, mais tellement fragile comme un homme, n'ont jamais été ainsi exploités je crois, avec une telle justesse réaliste qui fait que l'on vibre avec lui, dans tout son cheminement émaillé de mauvais choix, lui le jeune prêtre irlandais en Australie, qui deviendra prélat à Rome… Et que dire alors de Meggie ? Elle personnifie mieux que beaucoup d'héroïnes d'antan la femme soumise (dans le sens « traditionnel » du terme) à un père et des frères puis à un mari, mais libre malgré tout, malgré elle et malgré une énorme couche de naïve ignorance qu'il lui faudra des années à perdre.
En filigrane de cette magnifique et dramatique histoire d'amour, précédée d'une autre trop peu évoquée (celle de Fee, la mère de Meggie) et poursuivie à travers celle de sa fille Justine, on a aussi une véritable ode à l'Australie à travers trois générations de colons, qui ont apprivoisé une terre pourtant hostile, un climat qui n'en fait jamais qu'à sa tête. Par ailleurs, l'auteure ne manque jamais une occasion de soulever l'un ou l'autre sujet d'actualité lié à l'époque que ses héros traversent. Pour citer ceux qui m'ont le plus marquée : elle dénonce l'absurdité de la guerre, et notamment le silence assourdissant du Vatican lors de la 2e guerre mondiale ; ou encore les dangers d'une « guerre bactériologique », prenant en exemple celle qui a été menée contre les lapins trop nombreux en Australie (car, importés par un colon anglais sans cervelle, ces adorables se sont répandus de façon incontrôlable, n'ayant pas de prédateurs naturels là-bas… jusqu'à ce qu'on fasse circuler le virus de myxomatose qui a fini par « sauver » les étendues herbeuses, et dès lors l'économie de tout un pays, reposant sur l'élevage de moutons, qui autrement n'avaient plus d'herbe !).
Ainsi, même s'il y a ici et là quelques longueurs, même si le récit semble parfois un peu daté dans la façon d'être écrit (par exemple, il n'est jamais question des aborigènes… ce qui serait hautement politiquement incorrect de nos jours, mais l'était sans doute beaucoup moins en 1977 lorsque ce livre est paru), tout ce roman est porté par un souffle épique. Il vibre d'une puissance toute particulière, à travers un sujet devenu peut-être obsolète (on ne trouve plus guère de jeunes et beaux prêtres, déjà, à la base !) mais qui n'en touche pas moins de façon universelle.
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