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Critique de Presence


Ce tome contient les épisodes 63 à 68 parus en 1997, avec un scénario de Todd McFarlane, des dessins de Greg Capullo, et un encrage de McFarlane et Chance Wolf. Il fait suite à Spawn Origins 10 (épisodes 57 à 62). Ces épisodes ont également été réédités dans un format plus grand : Spawn origins collection 6 (épisodes 63 à 75).

Épisodes 63 & 64 - al Simmons (Spawn) est de retour dans les ruelles délaissées de New York où il papote avec un sans abri. le sujet de leur conversation : al Simmons a retrouvé un visage normal, sauf pour les yeux. Après avoir demandé le silence sur cette transformation à son interlocuteur, il s'assoit sur son trône et se laisse recouvrir de vers (de terre) d'un genre spécial. Ils se nourrissent des pêchés de l'humanité et transmettent cette énergie au costume de Spawn. Dans sa tour d'ivoire, Jason Wynn a conscience que Spawn est sur sa piste et il se prépare à une attaque imminente en convoquant une petite armée d'hommes de main pour soutenir un siège. de leur coté, Sam Burke et Twitch Williams ruminent toujours sur leur éviction de la police, et sur la cause de tous leurs déboires : le cadavre de Billy Kincaid déposé par Spawn dans leur bureau.

Épisode 65 - Il s'agit d'un résumé de l'histoire jusqu'ici, raconté à base d'illustrations pleine page accompagnée de textes. Épisodes 66 à 68 - Cogliostro (Cog pour les intimes) expliquent l'ordre des choses à Sam Burke et Twitch Williams. Spawn interfère dans une guerre de territoire entre SDF.

Dès le début de la série Spawn, le lecteur était en droit de se poser la question de savoir si McFarlane savait où il allait, c'est-à-dire s'il avait un plan à long terme pour sa série. de tome en tome, la question perdure, qu'il invite d'autres scénaristes pour lui donner un coup de main, ou que le lecteur ait l'impression de retrouver un statu quo assez mince. Au début de ce tome, il est possible d'éprouver l'impression que rien n'a changé : al Simmons toujours en guerre contre lui-même, toujours incapable de faire le deuil de sa famille, toujours alpha-mâle machiste (prêt à reconquérir sa femme contre Terry Fitzgerald), le décor des ruelles abandonnées de New York totalement onirique et impossible (des rues abandonnées de tout le monde, avec des clochards dormant dehors plutôt que d'investir les immeubles abandonnés), Jason Wynn toujours vivant et réalisant on ne sait trop quelles magouilles, Cogliostro sachant tout et manipulant les uns et les autres à coups de révélations tronquées totalement artificielles, Sam & Twitch pas plus avancés que lors de leur première apparition. Il est possible d'avoir raté plusieurs épisodes, sans éprouver l'impression d'être perdu.

Au premier abord, McFarlane et Capullo racontent leur histoire de manière assez pesante. Capullo se spécialise dans les dessins impressionnants avec un découpage faisant fi de notion d'art séquentiel. Chaque page correspond à une unité narrative, mais la priorité est donnée au dessin qui impressionne, avant toute chose, avec de 3 à 4 cases par page en moyenne. de son coté McFarlane privilégie un langage un peu écrit (en particulier dans les cellules de texte), privilégiant une forme de style pseudo littéraire, au dépend des éléments signifiants. Il faut parfois s'y reprendre à 2 fois pour s'assurer qu'il n'y avait rien d'intéressant dans un commentaire, rien d'important, aucune émotion transmise, du verbiage.

En réussissant à dépasser ces apparences, le lecteur découvre un récit pas toujours passionnant qui permet à Spawn de manier des très, très, très gros flingues avec le canon relevé, formant un symbole phallique d'une lourdeur sans égale. L'épisode de résumé est le bienvenu pour prendre pleinement pied dans la narration, mais là encore la forme est des plus pesantes. Par la suite, une part significative des pages est dévolue au tandem de Sam & Twitch qui n'arrêtent pas de prendre des pauses de gros durs, avec des regards appuyés chargés de sens, totalement ridicules. Cogliostro apparaît du début jusqu'à la fin comme un artifice narratif au travers duquel le scénariste gave le lecteur d'éléments d'intrigues, au fil de discussions qui ne sont que des exposés à sens unique (de Cogliostro vers ses interlocuteurs, ou plutôt ses auditeurs).

En prenant encore plus de recul, le lecteur prend conscience que McFarlane a des choses à dire qui sont le plus souvent desservies par la forme. Ainsi les 2 premiers épisodes forment une fable assez noire, sur la nature d'al Simmons (un individu avant tout porté sur le conflit), et sur l'importance de choisir ses priorités (en allant d'abord combattre, il rate une occasion de renouer les liens avec sa femme, occasion qui ne se représentera peut-être plus). En arrivant à l'épisode 67, il faut un peu de temps pour assimiler ce que McFarlane et Capullo mettent en avant. Ils se lancent dans un humour potache bien gras qui tâche. Ça commence par Sam en train de couler un bronze, tout en mangeant un sandwich et d'être capable de faire ce que peu de gens réussissent : c'est-à-dire se nourrir et déféquer simultanément (avec un gros "Plop" bien sonore). Ça continue avec un gros plan sur un rouleau de papier toilette, puis l'apparition d'une vieille peau avec un manteau de fourrure mangé aux mites, et des bas tombants et tout plissés. Ça culmine avec un SDF transformant en spectacle sa capacité à laisser pendre très bas sa morve de nez et à la renifler sans en perdre. Répugnant et gratuit ? Pas tant que ça parce que McFarlane et Capullo s'avèrent très convaincant dans ce registre sur un plan graphique. Sam déborde littéralement de la cuvette des WC, il y a des mégots de clopes à ses pieds, des posters de femmes nues au mur, le papier peint qui se décolle, des magazines pornos à coté, le lavabo qui fuit (tout ça en 1 seule case). La cliente délabrée qui tente de faire illusion est tout à fait aussi magnifique de d'exagération comique avec ses bagouzes, son fume-cigarette, ses lunettes de soleil et ses escarpins rouge (une teinte jurant avec le reste de son habillement), son ventre bedonnant dans sa robe moulante plissée, son maquillage à la truelle, etc.

Au-delà de cet aspect comique né d'un peu d'outrance, McFarlane et Capullo s'avèrent très doués pour donner des gueules à leurs personnages (en particulier les sans-abris) ou des visages craquants (les moues irrésistibles de Cyan Fitzgerald, la fille de Wanda et Terry). Et même au-delà des visages singuliers, ils créent des silhouettes complexes mariant réalisme et exagération pour leurs personnages qui s'impriment immédiatement dans la mémoire du lecteur, de par leur incroyable présence sur la page. Aussi surprenant que ça paraisse, Sam Burke (obèse, mal embouché, méprisant envers les autres) dégage une aura de sympathie avec ses cheveux gras, ses oreilles en chou-fleur et ses bajoues flasques. Il y a là un art consommé et peu commun de caricaturistes donnant vie à des individus à la présence physique indéniable.

Si le lecteur de la première heure peut regretter que McFarlane ne réalise pas les dessins tout seul, il peut se consoler en constatant son investissement dans l'encrage des dessins de Capullo. Il leur apporte une texture et un sens du détail qui là encore place les illustrations dans une catégorie à part. Ce tandem conserve un aspect exagéré et fantasmé qui s'adresse plutôt aux jeunes adolescents. Mais le degré de finition maniaque permet à un lecteur adulte de passer outre le manque de fluidité dans la mise en page pour apprécier les différentes manifestations de cette ferveur graphique : le nombre ahurissant de vers de terre venant nourrir le costume de Spawn, le nombre de maillons des chaînes dudit costume tous dessinés avec application, la texture donnée au plasma vert du corps de Spawn, la texture des souillures jonchant les rues abandonnées aux SDF, les plis et replis de la cape de Spawn, l'impression de fatigue et d'usure des vêtements des SDF, les rides des visages usés par la vie dans la rue, etc.

Un tome de plus dans les aventures de Spawn, avec les mêmes défauts que depuis le départ : une série dont il est difficile de déterminer si le scénariste sait où il va, une opposition Paradis / Enfer dégénérée au niveau enfantin, sans aucune connexion avec la nature de la religion, et des développements idiots sur la récolte des âmes indépendamment des bonnes actions ou des pêchés, des dessins plus faits pour leur facteur d'épate que pour constituer une narration séquentielle. Un tome de plus qui fait ressortir les qualités de ses créateurs : un flair certain pour l'image qui s'imprime dans les rétines avec un haut facteur de gratification immédiate, une capacité irrésistible à croquer des gueules et des personnages, un refus de se cantonner aux stéréotypes en vigueur dans les comics de superhéros, et des passages d'une maturité prenant par surprise (le profil psychologique cohérent et pénétrant d'al Simmons, comme un individu s'épanouissant dans l'affrontement). Les aventures de Spawn se poursuivent dans Spawn Origins 12 (épisodes 69 à 74).
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