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Critique de LaBiblidOnee


J'vais vous dire : la vérité c'est que ça me manquait, tout ça ; l'aventure, le désert, les longues chevauchées quand nos silhouettes se découpent dans le coucher du soleil ; Ouais, même les serpents dans la nuit froide et les nuages de sauterelles, pourquoi pas, tant qu'on affronte ça tous ensemble. Vous savez c'que c'est, la nostalgie… Et puis Berni_29 fredonnant ♪ I'm a poor lonesome cowboy ♫, en mâchant son brin d'herbe. J'avais besoin de retrouver cette camaraderie tranquille, de me sentir de nouveau utile. Alors j'ai sellé ma vieille Daube ; J'ai réparti les sacoches de munitions, et je suis partie loin du saloon, où je menais une vie sédentaire depuis trop longtemps. Je me désaltèrerai au gré des cactées : Un cheval, un fusil et huit dollars, suffisent à un cow-boy pour survivre (1) - et à Calamity-Onee aussi. Pour tout vous dire, « chevaucher Dob était un peu comme s'asseoir sur une scie. L'animal était squelettique et sa selle étroite et dure », à tel point que j'avais « l'impression qu'on allait me retrouver sciée en deux quelques kilomètres plus loin ».
Le temps d'me réhabituer, et juste au moment où je me lassais de galoper sans but dans les plaines arides, v'là-t-y pas qu'je tombe sur le seul gars qui pouvait comprendre ma nostalgie : le pote Berni. J'fais piler ma Daube, nos yeux s'accrochent. Ah on était beaux : Deux âmes errantes suivant la piste du bon vieux temps qui s'efface, celui où Woodrow Call, ancien texas ranger, nous avait engagés pour faire traverser le pays à son troupeau, afin de rejoindre le Yellostone en partant de Lonesome Dove. Fameuse aventure que celle-là ! Si vous avez loupé c't'épisode, vous pouvez lire Mc Murtry, un gars qu'on avait sauvé des indiens et qu'avait ensuite raconté notre histoire. Il vous racontera ce qui va suivre aussi, 20 ans plus tard, avec le talent qui est le sien, sans omettre de nous placer face à notre vieillissement (comme il fait sûrement face au sien) et notre déchéance, racontant le poids du temps qui passe, la barbarie des tueries de notre époque ou la manière dont les femmes doivent être fortes pour y survivre.
D'ailleurs en ce moment, un jeune pilleur de train sévit qui massacre des convois entiers pour un éventuel butin. On dit qu'autour du dernier train, « le tapis de vautour était si épais sur les parois du convoi que les hommes durent les chasser à coups de bâtons ». Faut dire qu'apparemment, il a pas eu la vie facile, le môme. J'en aurais presque pitié si ses actes me faisaient pas penser à quelqu'un qui tue pour le plaisir… Voilà le fruit de nos causeries, avec Berni, entre deux cavalcades de retrouvailles complices.


Un mec bien, le type Berni, il oublie jamais de partager sa flasque de tequila. C'est ainsi au pas nonchalant de montures exténuées, écumantes de sueur et titubant sous la chaleur malgré la traversée de quelques rivières, qu'on est arrivés dans Les rues de Laredo : Deux centaures au coude à coude, la flasque presque vide passant de ma main droite à sa main gauche dans un geste si bien rôdé qu'il frôlait la chorégraphie.
C'est pour ça qu'au début j'ai cru à un mirage alcoolisé : Cette silhouette à peine moins alerte qu'il y a vingt ans, à peine plus frêle et tassée, et cette drôle de mule chevauchée par ce vieillard mexicain aux cheveux longs… Hey Berni, ch'crois qu'ton poison m'a tuée ; chui morte et j'vois des putains de rev'nants. Nope, qu'il répond, ou alors on est deux putains de cadavres ambulants qui rencontrent celui de Bol et de Woodrow Call ; Or ce mec peut pas mourir, Cal'Onee. Cepafo, je concède en plissant mes yeux de biche tout en chiquant, crachant mon jus de chique puis avançant vers le convoi fantôme.
Et c'est comme ça qu'on s'est retrouvés enrôlés, Berni et moi, dans cette chasse au pilleur de train que devait diriger Woodrow, parce que son bras droit Pea Eye lui avait fait faux bon pour rester auprès de sa famille. Ouais j'sais, une famille pour des gens comme nous, c'est à gerber. Faut croire que les gens changent. Et Woodrow était colère, mais ça le soulageait vachement de nous engager. Surtout avec notre bon vieux cuistot Bol qui l'accompagnait - mais perdait total la boule - et ce fichu comptable de Brooklyn que la compagnie ferroviaire lui a fourgué dans les pattes pour surveiller les dépenses de la chasse à l'homme. Sûr que si Brooklyn continue à courir après son chapeau qui s'envole, il aura tôt fait de se faire scalper, dans la région. M'est avis que le calibre 8 auquel il s'accroche désespérément va très vite lui faire prendre le bon gros coup de recul nécessaire pour voir dans quelle panade il s'est fourré. Parce que Joey, le pilleur qu'on pourchasse, son beau-père l'avait vendu aux indiens quand il était petit. Il en a réchappé, mais désormais « Joey souriait toujours avant de donner la mort ». Sûr que si on veut le trouver, faut checker du côté de Crown Town, repère de vautours ravitaillé par les corbeaux, où croupissent les peaux de bisons puantes, les chercheurs d'or, et les tueurs en série. Là-bas, pas un homme de loi. La traque s'annonce dangereuse, digne d'un thriller-western. Parce que comme nous dit Call : « Seize personnes ont perdu la vie en un peu plus d'une semaine. En quinze ans de bataille contre les indiens sur la frontière, j'ai perdu six hommes. On traque pas un simple voleur, on traque un tueur… »


Voilà qui est rassurant, surtout que selon les rumeurs, il a volé un gadget qui nous met sacrément en danger - mais on vous dira tout quand vous arriverez. Maintenant que je vous ai résumé comment on en était arrivé là, je vous laisse attraper vos chevaux et nous rejoindre dans la poussière pour la faire mordre à ce hors-la-loi. Parce qu'on est un peu en sous-effectif, comme on vient d'apprendre que Berni traine une blessure de cactus qui s'est infectée et qui se réveille dès qu'il arrête la tequila pour viser juste. On est contraints de le laisser dans les rues de Laredo. Il est dégoûté : « Y va y'avoir du sport, et moi, j'reste tranquille ! » râle-t-il. Mais vous inquiétez pas, on l'a laissé aux mains expertes d'une jolie mexicaine : Elle prendra bien soin de ce gringo romantico-blessé qui lui joue de l'harmonica. En éperonnant nos chevaux, on l'entendait déjà s'exclamer : « Ils sont bons tes fayots, mamita ! » (2) M'est avis qu'on n'a pas fini d'en entendre parler d'cette histoire, dans Les rues de Laredo… Celle d'un héros vieillissant sans super-pouvoirs qui doit apprendre à raccrocher - comme l'a fait son auteur qui vient, hélas, de décéder en mars de cette année. Allez, en route, trouvez-nous le pisteur indien Famous Shoes et amenez Berni au passage s'il est guéri d'ici-là - et si vous parvenez à l'arracher à sa belle aux boucles brunes ! On aura sacrément besoin de renfort… Des volontaires ?


(1) et (2) A quels westerns ai-je volé ces répliques ?
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