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Critique de Eskalion


Voilà sans doute le livre plus perturbant, le plus éprouvant et le plus dérangeant que j'ai pu lire ces derniers mois. Un livre qui prend aux tripes, qu'on empoigne, qui fait violemment réagir. Un livre où l'on aimerait arracher la plume à l'écrivain pour écrire à sa place une autre fin.

C'est la première fois que je vois un auteur mettre préalablement en garde son lecteur par rapport à la lecture d'un des chapitres de son roman, tout en expliquant la nécessité absolue qu'il y avait de l'écrire. Car ce roman plonge le lecteur dans une tension véritablement insoutenable.

Rafael est un brave type, un peu alcoolo, sûrement fauché, mais pas fainéant. Père de trois jeunes enfants, il est marié à Rita qu'il respecte et qu'il aime. Avec sa petite famille, il vit près d'une décharge avec pour seul horizon ces tas d'immondices dans lesquelles les plus pauvres tentent d'y trouver de quoi survivre.

Son avenir et celui des siens est à l'image des vêtements usés et rapiécés qu'il porte. Alors un jour il va accepter de monnayer la seule chose qu'il peut encore marchander, sa vie. En échange de la promesse de 30.000 dollars versés à sa femme, celui-ci va accepter d'être le héro funeste d'un snuff movies.

Ce roman n'est pas un roman malsain, voyeur ou exhibitionniste. Gregory Mc Donald , l'auteur ne tombe absolument pas dans ce travers. Au contraire il adopte une construction particulière de son texte, qui fait qu'il évacue quasiment des le début la mise à mort ( le fameux chapitre incriminé), par la narration non pas de ce qui est, mais de ce qui sera le moment venu. Car là n'est pas l'essentiel du roman.

Rafael, analphabète, signe donc un contrat, et empoche 300 dollars en guise d'avance. Il retourne vivre le peu de temps qu'il lui reste près des siens. Et nous l'accompagnons durant ces quelques jours où il va essayer de rendre les gens autour de lui un peu plus heureux ,avec l'avance qu'on lui a faite. Nous découvrons son univers, sa vie, ceux qui constituent son horizon, et à travers lui cette micro société de nécessiteux pourtant organisée et solidaire. Nous partageons ces rires, ces éclats de voix, ces échanges, ces petits riens qui remplissent une vie, celle de Rafael.

Toute la force de ce roman réside paradoxalement dans l'humanité qui s'y trouve à travers ce personnage terriblement attachant.

Et ce n'est pas tant la mise à mort annoncée qui rend ce livre pesant et insoutenable que le décalage entre l'innocence et la cruauté d'une même société. Entre cet homme simple et généreux, foncièrement honnête, qui croit encore en la parole donnée, et cette frange d'une société désarticulée, déshumanisée, tricheuse, qui ne trouve plus de sel dans l'existence, que dans l'immoralité de la mise à mort de sa propre humanité.

A la fin de ce roman, m'est revenu en résonnance celui de Steinbeck « des souris et des hommes ». Dans ce monde qui est le notre, il n'y a malheureusement pas de place pour l'innocence.

Bouleversant, poignant, douloureux, le roman de Mc Donald est vraiment un grand livre.
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